épisodes avril 2022
183 l'ART du CRIME avec Elodie LEBEAU
184 LE SERVITEUR du Peuple avec Marjolaine BOUTET et Emmanuel TAIEB
185 LA TREVE avec Hélène Breda
186 L'accent dans les séries avec Cécile Viollain (épisode double)
187 ONCE UPON A TIME avec Florie Maurin
188 QUEER AS FOLK avec Ronan Ludot-Vlasak
189 BUFFY avec Annick Louis
190 FOR ALL MANKIND avec François Rulier
191 STARGATE SG1 avec Anne-Florence Quaireau
192 BLACK MIRROR avec Julie Escurignan et François Allard-Huver
183 L'Art du crime
avec Elodie Lebeau

Elodie Lebeau
Élodie Lebeau est docteure en histoire de l’art (Université de Toulouse 2 Jean-Jaurès) et en histoire contemporaine (Instituto de Historia, Pontificia Universidad Católica de Chile). Elle a mené sa thèse sur « L’Odyssée du Musée de la Solidarité Salvador Allende (1971-1991) : une histoire culturelle transnationale du Chili, de l’Unité Populaire au retour d’exil)». Rattachée au laboratoire FRAMESPA (UMR 5136), ses recherches portent sur les mouvements de solidarité artistiques durant la guerre froide. Dans une perspective d’histoire culturelle transnationale, elle s’intéresse particulièrement à l’iconologie et à la circulation des imaginaires autour des résistances, des révolutions et des « fascismes » dans la seconde moitié du XXe siècle.
Elle est notamment l’auteure d’une recension du film Colonia de Florian Gallenberger (2016), pour la revue Histoire@Politique [En ligne] (2017).
résumé épisode 183
Elodie Lebeau présente ici la série télévisée française L’Art du crime (2017-...). Il s’agit d’une comédie policière mettant en scène un officier de police « dysartistique », Antoine Verlay, capitaine à l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), et une historienne de l’art, Florence Chassagne, qui l’aide à mener ses enquêtes en tant qu’experte judiciaire. L’ensemble des crimes ont un rapport à des œuvres d’art : celles-ci livrent des indices sur le profil psychologique des criminels, ou ouvrent des pistes parfois inattendues, facilitant ainsi le dénouement du récit. Après avoir évoqué l’intrigue générale, Élodie Lebeau s’intéresse aux manières de représenter le métier d’historienne de l’art et plus largement les « mondes de l’art » dans la série. Elle analyse la rigueur du travail de reconstitution des contextes historiques évoqués (XIXe et XXe siècles) ainsi que celui des œuvres sous forme de tableaux vivants animés. Elle termine enfin en s’intéressant aux profils des personnages montrant qu’il s’agit aussi d’une série sur les troubles psychologiques, particulièrement les conséquences à l’âge adulte des expériences traumatiques de l’enfance (ACEs).
Bibliographie indicative :
Fagnart Laure, Léonard de Vinci à la cour de France, Rennes, PUR, 2019.
Faure Antoine L., Taïeb Emmanuel. L’Histoire à l’épreuve des séries. TV/Series, GRIC - Groupe de recherche Identités et Cultures, 2020, Séries : les sens de l’Histoire, 2020 (17), DOI : 10.4000/tvseries.3856.
Foucart Bruno, Courbet, éd. Flammarion, Paris, 1995.
Guillotreau Ghislaine, Art et crime. La criminalité du monde artistique et littéraire et sa répression, Presses universitaires de France, 1999.
Laclotte Michel et Volle Nathalie (dir.), Fra Angelico, Botticelli... chefs-d'œuvre retrouvés, Chantilly/Paris, Cercles d'art - domaine de Chantilly, 2014, p. 142-145. (ISBN 978-2-7022-1023-9).
Sadoun Delphine, Les biens culturels en droit pénal français, Thèse de doctorat en Droit pénal et sciences criminelles, sous la dir. de Magalie Nord-Wagner, Université de Strasbourg, Strasbourg, 2011.
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Est-ce possible d'ajouter quelques références à mes publications s'il-vous-plaît? J'ai vu sur votre site qu'il y avait la possibilité d'ajouter une "Sélection de publications" :
LEBEAU Élodie et PALACIOS GONZÁLEZ Daniel, «De la Praxis a la Memoria: derivas políticas en la solidaridad con Chile a través del Museo (de la Resistencia) Salvador Allende en España (1976-1991)», Diferents. Revista de museus, 6 | 2021, p. 6-27. DOI : https://doi.org/10.6035/diferents.6162.
LEBEAU Élodie, «Miria Contreras Bell (La Payita): Desafíos epistemológicos para una biografía», Les Cahiers de Framespa[En ligne], 37 | 2021. DOI: https://doi.org/10.4000/framespa.11064.
LEBEAU Élodie, « Décoloniser l’histoire de l’Indonésie. Lidwien van de Ven, FRAGMENTS [of a desire for revolution] », in Évelyne Toussaint (dir.), Postcolonial/décolonial. La preuve par l’art, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, p. 49-56.
LEBEAU Élodie, «El Museo de la Solidaridad de la Unidad Popular al exilio (1971-1991). Una experiencia transnacional de solidaridad en tiempos de Guerra Fría cultural», Secuencia, Revista de historia y ciencias sociales, 108 | 2020, DOI: https://doi.org/10.18234/secuencia.v0i108.1835.
LEBEAU Élodie, « Les collections mexicaines du Musée de la Solidarité Salvador Allende : espaces de transferts artistiques, culturels et politiques entre le Chili et le Mexique », in Isabelle Pouzet, Benoît Santini et al. (dir.), Chili, Mexique et Républiques latino-américaines : entre Histoire et imaginaire, Boulogne-sur-Mer, Presses Universitaires du Littoral Côte d’Opale, 2020, p. 81-104.
LEBEAU Élodie, “When Solidarity Became Art: The Museo Internacional de la Resistencia Salvador Allende (1975-90)”, in Kristine Khouri et Rasha Salti (dir.), Past Disquiet. Artists, International Solidarity and Museums in Exile, Varsovie, Muzeum Sztuki Nowoczesnej – Chicago University Press, 2018, p. 325-341.
184 Le serviteur du peuple
avec Marjolaine Boutet et Emmanuel Taieb

Marjolaine
BOUTET
Maîtresse de conférences HDR en Histoire contemporaine à l'Université de Picardie-Jules Verne, spécialiste des séries TV et des représentations de la guerre. Elle est l'auteure de Les Séries Télé pour les Nuls (PUF, 2009), Sériescopie : guide thématique des séries télé (avec Pierre Sérisier et Joël Bassaget, Ellipses, 2011), Vampires : au-delà du mythe (Ellipses, 2011), Cold Case : la mélodie du passé (PUF, 2013), La bataille de la Somme : l'hécatombe oubliée (avec Philippe Nivet, Tallandier, 2016) et Un Village français : une histoire de l'Occupation (La Martinière, 2017). Elle chronique les séries télévisées pour le magazine Phosphore et dans l'émission Une heure en séries sur France Inter, et elle est membre des comités éditoriaux des revues TV/Series, Le Temps des Médias et Saisons.

Emmanuel TAIEB
Emmanuel Taïeb est professeur de science politique à Sciences Po Lyon, fondateur et rédacteur en chef de Saison. La revue des séries, et également rédacteur en chef de la revue Quaderni. Il est chercheur au laboratoire Triangle, et membre honoraire de l’Institut Universitaire de France.
Ses recherches les plus récentes portent sur les séries télévisées. Il a dirigé avec Rémi Lefebvre, Séries politiques. Le pouvoir entre fiction et vérité (De Boeck, 2020), et avec Antoine Faure, le dossier « Séries : les sens de l’Histoire » de la revue en ligne TV/Séries (n°17, 2020). Il a publié House of Cards. Le crime en politique (Puf, 2018).
Ses travaux portent également sur la violence et sa visibilité, en particulier celle de la peine de mort, dans une perspective historique et contemporaine : La Guillotine au secret. Les exécutions publiques en France, 1870-1939(Belin, 2011 et trad. anglaise Hiding the Guillotine, Cornell University Press, 2020). Il a exploré les modalités de l’information dans l’espace public, la propagande et le conspirationnisme. Il a enfin travaillé sur le biopouvoir et les politiques publiques ayant le corps pour objet, coordonnant avec Dominique Memmi et Gilles Raveneau, Le social à l’épreuve du dégoût (PUR, 2016). Il produit et présente depuis plusieurs années l’émission de sciences humaines La Valeur de l’Homme sur Fréquence Protestante, et tient un blog de recherche.
Résumé épisode 184
Présentation de la série
La fiction rattrape la réalité
Le contexte de production
La dénonciation de la corruption
L'inexpérience en politique
185 LA TREVE
avec Hélène BREDA

Hélène BREDA
Hélène Breda est Maîtresse de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication à l'Université Sorbonne Paris Nord (LabSIC) et chercheuse associée à l'IRCAV. Elle est l'autrice d'une thèse intitulée "Le 'tissage narratif' et ses enjeux socio-culturels dans les séries télévisées américaines contemporaines", soutenue en 2015, et de diverses contributions scientifiques qui analysent des séries télé en mêlant des approches narratologiques, formelles et issues des cultural studies.
résumé épisode 185
Intro
Fiche technique de la série
Contextualisation : télé belge contemporaine + références internationales (comparaisons possibles avec Broadchurch, True Detective...)
Résumé de la série. 2 saisons « formulaires ». Polar feuilletonnant. Série chorale >>> personnages principaux récurrents : Peeters, sa fille Camille, la psy Dr Yasmina Orban, Zoé, « Marjo »...
>>>> Analyse plutôt narratologique et sociologique dans cet épisode.
I. Le « tissage narratif » de la série mis au service de l’enquête policière
>>> je propose de reprendre des notions de narratologie des séries que j’avais utilisées dans ma thèse (foyer narratif, tissage/tressage...)
Ici, la complexité narrative est mise au service de l’enquête, entretient le mystère/suspense, lance de fausses pistes...
II. Une enquête sur fond social
Enjeux sociaux sous l’enquête policière. Région défavorisée, personnages qui vivotent un peu. Projets de constructions qui vont changer les choses, pas forcément en bien selon les habitants.
+ Question de l’immigration en S1 via le personnage de Driss qui vient d’Afrique >>> élément extérieur au village dont l’arrivée a perturbé l’équilibre de la petite communauté fermée sur elle- même.
III. Questions de mémoire et d’identité
186 L'accent dans les séries épisode 1
avec Cécile Viollain
186 L'ACCENT dans les séries épisode 2
avec Cécile Viollain

Cécile VIOLLAIN
Cécile Viollain est Maîtresse de Conférences en linguistique anglaise à l’Université Paris Nanterre, rattachée au laboratoire CREA (Centre de Recherches Anglophones). Elle est docteure en sociophonologie de l’Université Toulouse Jean Jaurès, doctorat mené dans le cadre du programme de recherche PAC (Phonologie de l’Anglais Contemporain – www.pacprogramme.net) qu’elle co-dirige depuis 2016. Ce programme a pour ambition de documenter la réalité de l’anglais tel qu’il est parlé à travers le monde, à savoir dans ses dimensions phonétique, sociale et stylistique notamment, grâce à des corpus oraux, c’est-à-dire à des enregistrements authentiques de locuteurs natifs des diverses variétés de l’anglais (écossaises, américaines, irlandaises etc.). Cécile Viollain s’intéresse tout particulièrement aux variétés de l’hémisphère sud, et par exemple à l’évolution de l’anglais en Nouvelle-Zélande et en Australie, mais également aux enjeux de représentation et de perception des accents dans les séries télévisées et au cinéma. En 2020, elle a coédité l’ouvrage The Corpus Phonology of English: multifocal analyses of variation (2020, EUP – Presses Universitaires de l’Université d’Edimbourg) et coécrit avec son collègue Hugo Chatellier l’article “‘Game of Phones’: the phonology of the Northern, the Southern and the foreign in Game of Thrones” dans la revue TV/series (n°18).
résumé épisodes 186
Résumé – numéro thématique « Les accents dans les séries » – partie 1
Pourquoi cette envie de faire un épisode thématique sur les accents dans les séries en général, plutôt qu’un épisode centré sur une série en particulier, comme Game of Thrones, sur laquelle vous avez déjà publié justement ?
Consommatrice, comme beaucoup de gens, mais pas spécialiste des séries TV, mon champ d’expertise étant la phonologie de l’anglais, et donc les accents anglophones :
voir comment l’expertise dans un domaine donné peut informer la manière dont on regarde et consomme un objet apparemment « pas scientifique », mais ô combien chargé idéologiquement et symboliquement comme les séries TV ;
force est de constater que c’est assez peu étudié => peu d’approches phonético-phonologiques sérieuses de ce qui se passe dans les séries ;
avec l’avènement des plateformes comme Netflix, Amazon Prime, OCS etc., large accès aux séries télévisées du monde entier, et ce, en version originale sous-titrée d’où culture & exposition plus grande de/à la voix originale et donc des/aux accents, notamment de l’anglais tels qu’ils sont « joués », utilisés par les acteurs et les actrices ;
occasion de faire un parallèle France vs. monde anglophone & enjeux qui dépassent une seule série.
C’est quoi « un accent » ?
Dans les séries TV, il y a de nombreux enjeux linguistiques au sens large, c’est-à-dire à la fois en termes de langues, de dialectes et d’accents :
langues fictionnelles ou mortes (historiques) : https://www.tvinsider.com/2387/vikings-what-i-do-poll-moussoulides-dialect-coach/
linguistic replacement (« remplacement linguistique », Bleichenbacher 2008)
langage scripté vs. authentique, naturel, spontané => « langage télécinématique » (telecinematic language) = Piazza et al. 2011 = ‘THE SPEAKING OF WHAT IS WRITTEN TO BE SPOKEN AS IF NOT WRITTEN’ (Gregory 1967 : 191, en lettres majuscules dans la version originale).
bien distinguer accent de dialecte, et d’ailleurs le terme « dialect coach », très populaire maintenant, induit potentiellement en erreur à ce niveau-là
défi pour la linguistique car ambitions différentes avec utilisation des accents + pour la définition de la discipline elle-même = « fictolinguistique », « phonostylistique » etc.
Pourquoi on en parle aujourd’hui : un intérêt « soudain », « récent » pour les accents par les acteurs/actrices, les showrunners, les téléspectateurs ? Ou cette dimension a toujours été présente ?
Oui, et non : on parle plus facilement et différemment des accents à l’heure actuelle.
moment où le cinéma est devenu parlant = intérêt pour la voix donc pas nouveau dans l’absolu mais évolution & traditions, ambitions différentes théâtre vs. cinéma vs. séries
Notamment, tournant majeur des années 1990, avec l’avènement d’HBO = « révolution de l’authenticité » et du « politiquement incorrect » (nudité, vulgarité et diversité, notamment dialectale et accentuelle)
Paradoxe dans cette notion de politiquement incorrect vs. correct
D’où diversité des accents mais souvent assignés à un stéréotype vs. véritable diversité des accents et prononciations montrées dans toute leur complexité et leur incohérence (=> serait novateur et véritablement authentique)
appropriation culturelle => exemple récent de l’actrice Awkwafina accusée de racisme (« Blaccent ») car elle utilise des caractéristiques de l’African American Vernacular English dans son dialecte et sa prononciation
D’où difficulté à percevoir le langage comme un objet mouvant, à la fois personnel et collectif, à percevoir son évolution comme la diffusion de caractéristiques initialement restreintes à une communauté (qu’elle soit ethnique, géographique etc.) sur un territoire et donc à une population plus large + dualité (familiarité/méconnaissance) de son propre accent & question complexifiée par les enjeux de représentation dans les productions audiovisuelles
Maintenant avec réseaux sociaux = partage immédiat d’opinions « naïves » sur le sujet
=> analyser ces réactions et définir pourquoi avec les outils propres à la discipline
D’où pas un enjeu soudain ou nouveau dans l’absolu, mais plus d’écho et de répercussions, notamment politiques et sociétales, d’où plus d’attention prêtée en amont et plus de commentaires en aval -> nécessairement quelque chose dont les chercheurs doivent se saisir.
Cette évolution est-elle globale, vers une plus grande authenticité, et donc une recherche de performances accentuelles chez les acteurs & actrices, ou caractéristique du monde anglophone ? Quid des séries télévisées françaises ou francophones ?
Meryl Streep dans « Le choix de Sophie » = accent polonais (avant-garde de cette tendance) => « Method acting » d’où raffiner l’art de l’incarnation jusque dans la voix et l’accent = défi enrichissant et souvent récompensé (Oscars)
Tradition dans le monde anglophone de représenter accents divers = séries « locales », accents non-standards mis en avant & avec la fantasy = variété d’accents au service de superproductions mettant en scène univers énormes et fantastiques = GoT, the Witcher + acteurs francophones appelés à « jouer » l’accent français dans des séries internationales / anglophones
beaucoup moins cette tradition en France + très peu d’accès à des séries québécoises par exemple, ou des Outre-Mer + carrières entières en France sans jamais « jouer » d’accent vs. ultra fréquent outre-Manche et outre-Atlantique avec parfois une forme de surenchère
Conclusion = panorama des sujets liés à l’utilisation des accents dans les séries TV, et contextualisation pour ce numéro thématique, notamment en définissant les enjeux linguistiques et accentuels propres aux séries TV, en revenant sur les raisons pour lesquelles on peut avoir l’impression qu’on en parle plus aujourd’hui qu’avant, et différemment, et pourquoi l’accès à la version originale change tout (vs. version doublée en français), dans la mesure où les choses sont très différentes dans le monde anglophone vs. en France.
Bibliographie sélective
Bell, A. & A. Gibson, “Staging language: An introduction to the sociolinguistics of performance”, Journal of Sociolinguistics, Vol. 15, No. 5, 2011, p. 555-572.
Blanchet, P., Discriminations : combattre la glottophobie, Limoges, Lambert-Lucas, 2019.
Bleichenbacher, L., “Linguistic Replacement in the Movies”, Poznań Studies in Contemporary Linguistics, Vol. 44, No. 2, 2008, p. 179-196.
Boutet, M. « Soixante ans d'histoire des séries télévisées américaines », Revue de recherche en civilisation américaine [En ligne], No. 2, 2010.
Gasquet-Cyrus, M. & G. Planchenault, « Jouer (de) l’accent marseillais à la télévision, ou l’art de mettre l’accent en boîte », 2019.
http://glottopol.univ-rouen.fr/numero_31.html#sommaire
Gregory, M., “Aspects of varieties differentiation”, Journal of Linguistics 3(2), 1967, p. 177-198.
Habasque, P., « Oh my God, like, totally, you know? Le stéréotype Valley Girl, catalyseur de misogynie linguistique ? », Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2020.
Labov, W., The social stratification of English in New York City, Washington DC Center for Applied Linguistics, 1966.
Lefèvre-Berthelot, A., Speak Up ! Des coulisses à l'écran, voix de femmes et séries américaines à l'orée du XXIe siècle, Presses Sorbonne Nouvelle, 2020.
Piazza, R., Bednarek, M. & F. Rossi, “Introduction: Analysing telecinematic discourse”, In Piazza, R., Bednarek, M. & F. Rossi (eds), Telecinematic Discourse: Approaches to the Language of Films and Television Series, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins, 2011, p. 1-17.
Richardson, K., “Multimodality and the study of popular drama”, Language and Literature 19(4), 2010, p. 378–395.
Résumé – numéro thématique « Les accents dans les séries » – partie 2
Alors, à quoi « servent » les accents dans les séries ?
Premier enjeu, le plus évident sans doute, est l’ancrage géographique
D’où capacité d’un locuteur natif à décoder certaines caractéristiques comme indexant un lieu + capacité d’un acteur / showrunner à encoder cela au niveau dialectal et donc accentuel
Pas nouveau = dans la littérature, tradition d’eye-dialect, qui permet de représenter sur le papier certains dialectes, registres de langue & accents
2ème enjeu, peut-être déjà moins évident, ancrage historique
Séries médiévales, historiques au sens large = accents non-rhotiques, britanniques, proches de la RP (standard de prononciation britannique, Queen’s English)
Anachronisme linguistique = variétés historiquement rhotiques d’où déjà notion d’idée pré-conçue de ce qui sonne « bien » et de ce qui sonne « mal »
3ème enjeu, qui découle en partie des précédents, caractérisation, profils des personnages, qualités & défauts = ancrage attitudinal & sociolinguistique
Notion de « communautés linguistiques » & « communautés de pratiques » (Eckert 1989)
On aborde la notion d’indexicalité, empruntée à la sémiotique
La fumée indexe le feu = indice du feu car relation de cause à effet entre les deux et cooccurrence (il n’y a pas de fumée sans feu)
Accents = “shortcut[s] to characterization”, raccourcis de caractérisation (Lippi-Green 2012)
Bien déconstruire le processus = si fumée implique feu, alors en retour le feu crée une attente de fumée
Association entre personnages puissants, historiques, rois & reines et accents RP standards récurrente -> alors personnage puissant = attente d’un accent RP pour l’incarner, lui donner une voix
Dimension humoristique & parodique = saillance d’identités, incongruité + effet retour, qui souligne sarcastiquement l’utilisation qui est faite des accents dans les productions audiovisuelles
Quelles conséquences de l’utilisation qui est faite des accents dans les séries TV ? Que produisent les accents dans les séries et vice-versa (= que produisent les séries tv sur les accents) ? Et du coup, pourquoi (il faut) les étudier ?
quelque chose dans le format sériel qui peut appeler le raccourci => toujours un risque avec les raccourcis = simplification, stéréotypes, caricatures
« Stereotyping » (Lippi-Green 2012)
Équilibre difficile à trouver
La réalité et la fiction se nourrissent mutuellement dans un cercle vertueux ou vicieux en fonction des imaginaires, des attentes, des stéréotypes créés
=> concepts utiles d’« enregisterment » (Agha 2003), de « glottophobie » (Blanchet 2019) => “accentisme” comme dernière discrimination acceptable ?
+ Pierre Bourdieu = impact sur le « marché linguistique = valeurs différentes et changeantes des accents, prestige vs. stigmatisation & rejet
+ conséquences en termes d’insécurité linguistique => de par l’absence de représentation par exemple (accents néo-zélandais ou australiens) ou l’existence de nombreuses représentations caricaturales (accent écossais par exemple)
impact en termes de changement linguistique
Micro-changements & maxi changement (Ohala 1981)
Hannisdal (2006) = anglais américain préféré à norme RP par jeunes Britanniques
Stuart-Smith (2006) = présence de variantes londoniennes en Écosse ou à Hull (nord de l’Angleterre)
Ex. EastEnders = fans développent plus les marqueurs de cette variété de l’est de Londres
D’où effet retour des séries TV sur la réalité pour ainsi dire
Natifs vs. non-natifs = relativité de l’interprétation etc.
D’où même si choix conscient au départ des showrunners, avec la performance des acteurs, puis la réception par des téléspectateurs aux backgrounds culturel, linguistique, social très divers => multitude d’attitudes et d’interprétations possibles
Accents échappent au contrôle initial
Développement de nouvelles réalités linguistiques, notamment dans le cercle en expansion, c’est-à-dire locuteurs non-natifs qui peuvent prendre pour modèles des prononciations qui ne sont pas authentiques pour ainsi dire mais des interprétations ou reconstructions d’identités réelles. Certains traits vont être perçus par natifs comme simplification, exagération ou parodie vs. perçus autrement par non-natifs (généralisations possibles)
Donc bien percevoir cet effet retour = les accents contribuent quelque chose aux séries, mais les séries contribuent également quelque chose aux accents dans la « vraie » vie
Un mot de la fin : quelles perspectives, notamment de recherche, sur les « accents » ?
corpus de séries TV problématiques mais riches pour la sociophonologie = mettre des images pour ainsi dire sur un imaginaire linguistique + les inclure dans des corpus sociolinguistiques et enquêtes de terrain afin de récolter les évaluations, les interprétations des locuteurs natifs de ces variétés vs. non-natifs par exemple
travail de veille pour ainsi dire => surveiller évolution de l’utilisation qui est faite des accents dans les séries + changements à venir à mon avis avec développement du débat sur l’appropriation culturelle, et prise de conscience de la dimension absolument identitaire et idéologique du langage au sens large et des accents en particulier
=> comment vont/peuvent faire les séries sans ces raccourcis si les accents ne constituent plus la dernière forme de discrimination acceptable ?
Bibliographie sélective
Agha, A., “The social life of cultural value”, Language and Communication, No. 23, 2003, p. 231-273.
Boichard, L., « La poétique du parler populaire dans l'oeuvre barrytownienne de Roddy Doyle : étude stylistique de l'oralité et de l'irlandité », Université Lyon 3 Jean Moulin, 2018.
Bourdieu, P. Ce que parler veut dire. L’économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard, 1982.
Coulomb-Gully, M. « Genre et médias : vers un état des lieux », Sciences de la société, No. 83, 2011, 3-13.
Coupland, N., “Sociolinguistic authenticities”, Journal of Sociolinguistics, Vol. 7, No. 3, 2003, p. 417-431.
Eckert, P., Jocks and Burnouts: Social Categories and Identity in the High School, New York, Teachers College Press, 1989.
Glain, O., Variations et changements en langue anglaise. Évènements historiques, perspectives humaines et sociales.Presses Universitaires de Saint-Etienne, 2020.
Hannisdal, B., “Variability and change in Received Pronunciation. A study of six phonological variables in the speech of television newsreaders”, Bergen, Université de Bergen, 2006.
Harris, S., “Sharper, Better, Faster, Stronger: Performing Northern Masculinity and the Legacy of Sean Bean's Sharpe”, Journal of Popular Television, Vol. 4, No. 2, 2016, p. 239-251.
Hélie, C., “Versions of the North in Contemporary Poetry”, Revue Française de Civilisation Britannique [En ligne], XXV-2, 2020.
Houdebine, A-M., « Norme, imaginaire linguistique et phonologie du français contemporain », Le Français moderne, Vol. 1, 1982, p. 42-51.
Jobert, M., « Graphie, phonie et encodage dialectal : le Cockney de Somerset Maugham dans Liza of Lambeth », Lexis, 2009.
Le Page R. & A. Tabouret-Keller, Acts of identity: Creole-based approaches to language and ethnicity, Cambridge, Cambridge University Press, 1985.
Lippi-Green, Rosina, English with an Accent, New York, Routledge, 2012.
Milroy, James, “Language ideologies and the consequences of standardization”, Journal of Sociolinguistics, Vol. 5, No. 4, 2001, p. 530-555.
Ohala, J., “The listener as a source of sound change”, Papers from the Parasession on Language and Behavior, Chicaco, Chicago Linguistic Society, 1981, p. 178-203.
Silverstein, M., “Indexical order and the dialectics of sociolinguistic life”, Language and Communication, No. 23, 2003, p. 193-229.
Stuart-Smith, J., “The influence of the media”, in Llamas C., Stockwell P. et Mullany L. (dir.), The Routledge Companion to Sociolinguistics, Londres, Routledge, 2006, p. 140-148.
Tajfel, H., “Cognitive Aspects of Prejudice”, Journal of Social Issues, Vol. 25, No. 4, 1969, p. 79-97.
Trudgill, P., “Sex, covert prestige and linguistic change in the urban British English of Norwich”, Language in Society, Vol. 1, No. 2, 1972, p. 179-195.
187 Once upon a time
avec Florie Maurin

Florie MAURIN
Florie Maurin – Doctorante en Littérature française à l’Université Clermont Auvergne, membre du CELIS (Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique).
Thèse : « Itinéraires des figures féminines de la fantasy jeunesse chez Pierre Bottero : fées, sorcières, chasseresses » sous la direction de Françoise Laurent et Nelly Chabrol Gagne.
Sujets de recherche : la fantasy jeunesse, ses espaces, son bestiaire, ses héroïnes (magiciennes / guerrières notamment), les contes et, plus particulièrement, la représentation des personnages féminins dans ces genres.
Coorganisatrice d’un colloque, qui aura lieu les 7-8 avril 2022 à Clermont-Ferrand, sur les Femmes sauvages et les Amazones.
résumé épisode 187
Once Upon a Time (2011-2018) :
Présentation de la série : caractéristiques, genre, résumé de l’histoire…
Le chaudron de Once Upon a Time : sources et syncrétisme
« Blanche-Neige » : conte central
- Pôle autour duquel s’organise l’intrigue
- Figures maternelle / paternelle
- Étapes du conte
Un merveilleux diffus : les contes, les histoires merveilleuses, la littérature fantastique, la littérature médiévale, les mythes
- Grimm, Perrault, Andersen, Leprince de Beaumont…
- Romans merveilleux : Peter Pan, Le Magicien d’Oz…
- Romans fantastiques
- Littérature médiévale, arthurienne
- Mythes (figures et bestiaire) : gréco-romains, nordiques, orientaux…
Une traduction dans les espaces : les mondes secondaires
- Les différents mondes : renouvellement de la série
- La « transfictionnalité »
Représentations et évolutions des figures féminines
Les actrices et leurs personnages : représentativité, présence à l’écran
- Emma, Regina, Blanche-Neige : figures principales
- Générique d’ouverture : proportion d’acteurs / actrices
Les rôles féminins : combattre et gouverner
- Apparence physique
- Rôles féminins dans les contes / dans Once Upon a Time
- Les princesses-guerrières
- Déclinaison des histoires originelles au féminin
- Détention féminine du pouvoir
Couple et destin maternel
- Caractère primordial des relations amoureuses
- Une vision de l’amour stéréotypée
- Quelques voix subversives : les sorcières
« On ne naît pas mauvais, on le devient » (S3E20) : du manichéisme de la série
Les Bons / les Méchants
- La binarité des mondes et des personnages
- Couleurs, actes, discours
Développements narratifs et psychologiques des « Vilains »
- Rédemptions et damnations
- Estomper le manichéisme par les développements narratifs : un passé pour les antagonistes, un futur pour les protagonistes
- Le potentiel des « Méchants »
Deux cas particuliers : Regina et Rumplestiltskin, des personnages gris ?
- Regina : humanisation du personnage, Jekyll / Hyde
- Rumplestiltskin : complexité, visages du personnage
Les pouvoirs des livres et de la fiction
Once Upon a Time : un livre dans un livre
- L’objet-livre : les mots font la loi
- L’Histoire sans fin de Michael Ende
L’Auteur : figure des seuils, figure magique
- Isaac et les nouveaux contes
- Henry, l’élu
Conclusion
Bibliographie sélective sur l'émission :
AZUBEL Larissa, « Conte de fées et postmodernité : une réflexion sur les régimes d’images dans Once Upon a Time »,Sociétés, n° 133, 2016, p. 61-69.
ENDE Michael, L’Histoire sans fin, trad. par D. Autrand, Paris, Hachette Livre, 2014 (1979 pour l’édition originale).
LOUIS Stella, « Qu’est devenue la “ jeune fille blonde qui va dans une ruelle sombre et se fait tuer ” ? Héritage et métamorphose de la figure blonde féminine du film d’horreur classique dans Buffy the Vampire Slayer, True Blood, et Once Upon a Time », dans S. Hubier et E. Le Vagueresse (éds.), Gender et séries télévisées, Reims, Presses Universitaires de Reims, 2016, p. 17-32.
PÉJU Pierre, La Petite Fille dans la forêt des contes. Pour une poétique du conte : en réponse aux interprétations psychanalytiques et formalistes [1981], Paris, Robert Laffont, coll. « Réponses », 1997.
SAINT-GELAIS Richard, Fictions transfuges. La transfictionnalité et ses enjeux, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2011.
Quelques publications de Florie MAURIN :
« Les mondes de Pierre Bottero : réinventer les espaces de fantasy », dans Espaces Imaginés, Rennes, Le Laboratoire des Imaginaires, 2021, p. 89-108. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03060604/document
« Les bestiaires fantastiques aujourd’hui : le renouvellement d’un genre dans les univers d’Harry Potter, L’Épouvanteuret Les Chroniques de Spiderwick », co-écriture avec Elise d’Inca, dans Pensées vives, n° 1, 2021. URL : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03446736/document
« Habiter le ciel : les cités flottantes de la fantasy jeunesse », dans Christophe Duret (dir.), Habiter les espaces autres de la fiction contemporaine : Utopies, dystopies, hétérotopies, Éditions de l’Inframince, à paraître en mars 2022.
« Miroir, miroir, qui est la plus vaillante ? Héroïsme au féminin et princesses affranchies dans Once Upon a Time», Iris, n° 42, à paraître en novembre 2022.
188 QUEER AS FOLK
avec Ronan Ludot-Vlasak

Ronan LUDOT-VLASAK
Ronan Ludot-Vlasak est professeur de littérature états-unienne à la Sorbonne Nouvelle. Ses travaux portent sur les usages et la circulation de modèles esthétiques européens (notamment Shakespeare et l’Antiquité classique) dans l’imaginaire nord-américain. Il s’intéresse plus particulièrement à la littérature du long xixe siècle et à la culture visuelle cinématographique et télévisuelle contemporaine. Les séries télévisées sur lesquelles il a travaillé incluent Queer As Folk, Cold Case, et Battlestar Galactica. Il est l’auteur de trois ouvrages sur la littérature états-unienne : Essais sur Melville et l’Antiquité classique – « Étranger en son lieu » (Paris, Honoré Champion, 2018), La Réinvention de Shakespeare sur la scène littéraire américaine (1798-1857) (Lyon/Grenoble, PUL/ELLUG, 2013), Le Roman américain (en collaboration avec Jean-Yves Pellegrin, Paris, PUF, 2011).
Résumé épisode 188
1. Présentation de la série
Diffusion / Lieux et personnages
Le titre
Une adaptation d’une série britannique
Deux structures narratives
Deux esthétiques
2. Représenter l’homosexualité autrement
Les représentations de l’homosexualité jusqu’à la fin des années 1990
Queer as Folk, un tournant dans la représentation de l’homosexualité à l’écran
3. Questions d’identité /Questions politiques
Une série LGBT ou une série queer ?
La diversité du monde LGBT de QAF : des trajectoires variées, mais également des angles morts.
Le monde gay de Queer As Folk, un monde à part ?
Une série politique
4. Les représentations de la sexualité
Les mots du sexe
Une sexualité chorégraphiée
Une sexualité libérée ?
Débats et controverses
5. Queer as Folk et la littérature
Le conte de fées
La littérature canonique. L’exemple de John Keats et de Hamlet
Qu’est-ce que Queer As Folk peut nous dire sur la littérature ?
Bibliographie
Beirne, Rebecca Clare, « Embattled Sex: Rise of the Right and Victory of the Queer in Queer as Folk », in The New Queer Aesthetic of Television. Essays on Recent Programming, ed. James R. Keller and Leslie Stratyner, Jefferson, London, McFarland & Company, 2006, p. 43-58.
Chambers, Samuel, The Queer Politics of Television, London, I. B. Tauris, 2009.
Ludot-Vlasak, Ronan, « Les séries télévisées au prisme de l’intertextualité : quelques perspectives sur les frontières du littéraire », TV/Series [En ligne], 12 | 2017, mis en ligne le 20 septembre 2017, consulté le 06 mars 2022. URL :http://journals.openedition.org/tvseries/2183
Ludot-Vlasak, Ronan, « Canon Trouble: Intertextuality and Subversion in Queer as Folk », TV/Series [En ligne], 2 | 2012, mis en ligne le 01 novembre 2012, consulté le 06 mars 2022. URL : http://journals.openedition.org/tvseries/1479
Peeren, Ronan, « Queering the Straight World: The Politics of Resignification in Queer As Folk », in The New Queer Aesthetic of Television. Essays on Recent Programming, ed. James R. Keller and Leslie Stratyner, Jefferson, London, McFarland & Company, 2006, p. 43-58.
Porfido, Giovanni, « Queer As Folk and the spectacularization of Gay Identity », in Queer Popular Culture. Literature, Media, Film, and Television, ed. Thomas Peele, New York, Palgrave Macmillan, 2007, p. 57-69.
189 BUFFY contre les Vampires
avec Annick LOUIS

Annick LOUIS
Annick LOUIS
Annick Louis est Professeur à l’Université de Franche-Comté et membre de l'équipe pédagogique de l'EHESS. Elle a été Visiting Professor à l’Université de Yale en 1999-2000, Boursière de la Fondation Alexander von Humboldt entre 2000 et 2002, et en 2010.
Ses domaines de spécialiste son le récit, des théories du récit, la théorie littéraire. Actuellement, son travail s'oriente vers une épistémologie de la littérature ainsi que vers l’étude des rapports entre littérature et sciences humaines et sociales.
Ses derniers ouvrages publiés en français sont : L’invention de Troie. Les vies rêvées de Heinrich Schliemann (Editions EHESS, 2020) et Sans objet. Pour une épistémologie du littéraire (Hermann, 2021). Son prochain livre s’intitule Homo explorator. Les écritures non-littéraires d’Arthur Rimbaud, Lucio V. Mansilla et Heinrich Schliemann (Garnier/Classiques, 2021).
Ses publications antérieures sont : Borges face au fascisme I. Les causes du présent, Montreuil, Aux lieux d’être, 2006; Borges face au fascisme II. Les fictions du contemporain, Montreuil, Aux lieux d’être, 2007 ; Borges. Œuvre et manœuvres, Paris, L’Harmattan, 1997.
Elle a publié un nombre important d'articles concernant les rapports entre littérature et politique, la notion d'auteur, les revues littéraires, ainsi que des travaux de littérature comparée sur les rapports entre la littérature hispano-américaine et la française. Elle a traduit Songes et discours de Quevedo en collaboration avec Bernard Tissier et Les rêves et le temps de María Zambrano.
Annick Louis a reçu le Prix Louis Barthou de l’Académie Française pour son ouvrage « L’invention de Troie. Les vies rêvées de Heinrich Schliemann » en 2021.
résumé épisode 189
Buffy the Vampire Slayer/Buffy la tueuse de vampires
Informations générales sur la série
Buffy the Vampire Slayer est une série américaine qui met en scène Buffy Summers, the slayer c’est-à-dire la tueuse de vampires – « The Chosen one »/l’élue », une jeune adolescente de 16 ans lorsque la série commence qui arrive à Sunnydale, ville fictionnelle située en Californie, une des bouches de l’enfer où l’activité des forces du mal est particulièrement intense.
Buffy the Vampire Slayer comprend 7 saisons, et 144 épisodes (de 44 minutes chacun). Diffusée entre 1997-2003, elle fut produite jusqu’en 2001 par The WB (The WB Television Network), un réseau de télévision américain créé en 1995 qui faisait partie de Warner Bros, société du groupe Time Warner, puis, entre 2001-2003, par United Paramount Network(connu sous le nom commercial UPN), réseau de télévision américain qui a diffusé ses premiers programmes le 16 janvier 1995, et qui fait partie depuis la séparation du groupe Viacom en deux entités de celle intitulée CBS Corporation. Ces deux réseaux étaient spécialisés dans les programmes pour adolescents, et en concurrence entre eux, avant de fusionner en 2006, sous le nom de The CW.
C’est en effet le public adolescent qui semble avoir été visé depuis le départ, dans le cadre d’un développement des séries pour cette tranche d’âge, qui étaient en majorité des comédies sentimentales et réalistes. On peut mentionner parmi les productions de l’époque :
Roswell, création de Jason Katims, d’après la série littéraire Roswell High de Melinda Metz, 6/10/1999-14/05/2022, The WB (1999-2001), UPN (2011-2002), 3 saisons, 61 épisodes de 42 minutes – qui révéla Katherine Heigl – une série de science-fiction, travaille le monde adolescent à partir de la légende des extraterrestres qui auraient atterri à Roswell dans les années 1950
Dawson’s Creek, Kevin Williamson, The WB, 20/01/1998-14/05/2033, 6 saisons, 128 épisodes de 45 minutes – qui révéla Katie Holmes – qui est une série sentimentale, réaliste
Il y en a eu d’autres moins connues…
Mais ce qui est intéressant est que cette période a connu également une renaissance – ou une naissance – des séries d’adultes et que cet intérêt pour les couples adultes, qui ont la quarantaine, s’est développée par la suite aussi. La meilleure de ces productions fut sans doute Once and again1, qui reste malheureusement peu connue en France : l’histoire de 2 divorcés de 40 ans qui se rencontrent et tombent amoureux, et de leurs enfants respectifs. On peut dire que dans Buffy, cet intérêt pour le monde des « grown ups » est présent grâce au personnage de la mère et du protecteur.
Autre élément à signaler : la période où Buffy a été créée correspond à des modifications importantes dans les schémas narratifs hollywoodiens, qui ont suivi le moment historique de la chute du monde communiste. Dans un monde qui n’est plus divisé en « bons (nous) et méchants (eux) », une renaissance du genre fantastique s’est produite, un genre qui dans la période précédente était présent essentiellement dans des séries classe B ou C, qui se poursuit aujourd’hui. Ce nouveau fantastique dans les arts visuels puise dans tradition littéraire, picturale et cinématographique. On trouve à l’époque des productions célèbres telles que : The Sixth Sense de M. Night Shyamalan (1999).
Une autre particularité de Buffy est qu’il existe aussi:
Un spin-off : Angel, 1999-2004, créée par Joss Whedon et David Greenwalt, diffusée sur le réseau The WB
8ème à 12ème saison – sous la forme de BD
Résumé des saisons :
Saison 1 : raconte l’arrivée de Buffy à Sunnydale, sa prise de contact avec Giles et ses amis, les premiers combats, sa rencontre avec Angel, et le début de leur histoire d’amour. Elle présente également ses premières résistances à son destin : parce qu’il l’empêche de mener une vie normale, parce qu’elle doit mourir à la fin de saison – ce qui se produit mais elle est ramenée à la vie par Alex.
Saison 2 : La saison 2 voit se développer le combat et l’histoire d’amour entre Angel et Buffy ; on y apprend que s’il doit son âme à une malédiction gitane, il peut la perdre s’il connaît un seul moment de bonheur, ce qui arrive lorsqu’il fait l’amour avec Buffy ; sur les derniers 10 épisodes (sur 22) Angel est donc maléfique et extrêmement pervers et Buffy doit le combattre tout en étant amoureuse de lui. Finalement Buffy est obligée de le tuer et quitte Sunnydale sans le dire à ses amis ou à sa mère.
Saison 3 : Buffy rejette son destin de tueuse et se réfugie dans une sorte de Los Angeles sordide. Après un épisode où elle doit combattre un démon, elle revient ; après des moments de gêne, le Scooby Gang se forme à nouveau et reprend ses combats, avec une nouvelle tueuse, Faith. Angel est ramené de l’enfer et lui et Buffy se retrouvent, mais situation devient peu à peu intenable, Angel décide de partir. Le groupe combat le Maire, qui réunit ses forces pour devenir un démon, et Buffy le détruit à la fin lors de la cérémonie de graduation.
Saison 4 : Buffy arrive à l’université à Sunnydale, avec Willow, alors qu’Alex doit commencer à travailler pour vivre. Le spectateur et le groupe découvrent peu à peu l’existence d’un mystérieux commando qui chasse les démons et procède à des expériences sur eux, afin de maîtriser et d’utiliser leurs pouvoirs ; Buffy tombe amoureuse de l’un de ses membres, Riley alors que Willow développe ses pouvoirs de sorcière et tombe amoureuse de Tara après le départ de Oz, qui cherche à dominer ses pulsions. Les scientifiques du commando assemblent un être moitié humain moitié machine, qui s’affranchit d’eux et tente de créer une armée de monstres comme lui ; avec l’aide de Spike, de retour à Sunnydale et neutralisé par une puce qui l’empêche d’attaquer les humains, Adam tente de séparer Buffy et ses amis, qui finissent par se retrouver et le combattre. La saison se ferme sur un épisode remarquable où, en raison des pouvoirs qu’ils ont invoqué pour détruire Adam, chaque membre du groupe fait des rêves étranges, entre cauchemar et prédiction ; Buffy voit la première tueuse, qui réapparaîtra par la suite.
Saison 5 : La cinquième saison est celle où Dawn, la petite sœur, apparaît ; elle est en vérité une création artificielle, une clé que Buffy doit protéger et que Gloria, une déesse perverse, cherche pour pouvoir ouvrir le portail vers le monde de l’enfer, et cesser ainsi d’être divisée en deux, elle-même et Ben, un jeune interne de l’hôpital. La mère de Buffy meurt, et Buffy se retrouve en charge de sa sœur. Gloria comprend que Dawn est la clé et s’apprête à la tuer car son sang doit permettre d’ouvrir la porte des dimensions infernales ; dans la bataille finale Buffy se sacrifie pour sauver Dawn.
Saison 6 : Alors que Buffy est morte, le Scooby Gang continue à combattre les démons avec l’aide du robot Buffy, que Spike avait fait construire ; mais ceux-ci découvrent que la tueuse n’est plus là et sèment le chaos. Alors que Giles parti en Angleterre, Willow, Alex, Tara, Anya célèbrent une cérémonie pour la ramener à la vie. Buffy est désorientée, et regrette le paradis où elle se trouvait, elle doit affronter les démons et les difficultés de la vie réelle, tout comme le groupe formé par Andrew, Jonathan, Warren, trois anciens camarades de lycée. Buffy et Spike commencent une histoire d’amour passionnelle, mais quand elle le quitte, il tente de la violer, puis part dans l’intention de retrouver ses pouvoirs de vampire. Alex et Anya devaient se marier mais il l’abandonne au dernier moment, et Anya récupère alors ses pouvoirs. A la fin de la saison, Warren tente de tuer Buffy et par accident tue Tara ; Willow devient alors une sorcière puissante et maléfique, et essaie de détruire le monde, mais est arrêtée par Alex. Giles l’emmène en Angleterre en quête de rédemption.
Saison 7 : Des jeunes filles sont assassinées partout dans le monde. Il s’agit de potentielles tueuses. La Force (The First), origine du mal, veut libérer son armée dans le monde pour le détruire. Giles et les potentielles se réfugient à Sunnydale où l’affrontement commence. Andrew, poussé par le fantôme de Warren, au fait une incarnation de la Force, tue Jonathan pour ouvrir le sceau de Danzalthar, mais est retrouvé par Buffy qui l’amène chez le groupe. Buffy devient conseillère d’orientation au lycée qui vient de rouvrir ses portes ; elle retrouve Spike au sous-sol, devenu fou, car au fait son âme lui a été rendue. Le principal Woods du lycée s’avère être le fils d’une tueuse, tuée par un vampire quand il avait 4 ans ; on apprend plus tard qu’il s’agit de Spike. Le groupe s’affronte autour de lui, qui a est manipulé par la Force, mais Buffy défend et protège ; elle finit par lui faire enlever sa puce. Willow ramène Faith pour contribuer à la lutte. Après une crise autour du leadership de Buffy, le groupe se reforme et Buffy imagine un moyen de vaincre la force en activant toutes les potentielles pour combattre la Force. Spike et Anya meurent dans la bataille finale, alors que Sunnydale s’enfonce dans les profondeurs de la terre, et Buffy envisage une vie sans la responsabilité de sauver le monde.
Les origines : Du film à la série télévisée
Buffy devait servir de mid-season replacement pour Savannah2, raison pour laquelle la première saison ne comprend que 12 épisodes.
Tout porte à croire que Joss Whedon, l’aujourd’hui célèbre réalisateur et producteur, profita de cette ouverture pour reprendre sous forme de série, le script du film du même titre de 1992 – qui avait fait un flop et dont il était particulièrement mécontent : la production avait complétement dénaturé son script, le transformant en effet en un film sur et pour les adolescents, peu original.
Quelques mots sur le film : même titre – réalisé par Fran Rubel Kuzui sur un scénario de Joss Whedon – avec Kristy Swanson et Luc Perry, l’acteur devenu célèbre en jouant le rôle d’un des lycéens de Beverly Hills 90210 (1990-1995, 1998-2000), et Donald Sutherland dans le rôle du watcher/protecteur
Film n’a pas rencontré de succès
Il est devenu un épisode mineur par rapport à la série
Comédie d’horreur
Dans le film Buffy est une adolescente qui va au lycée, elle est populaire et occupée à socialiser avec ses amies et à faire du shopping – ce sont des adolescentes jolies et superficielles comme on les trouve dans de nombreuses séries adolescentes et de nombreux films ; Buffy semble incarner ici la blonde superficielle et égoïste. Un jour elle est approchée par Merrick (Donald Sutherland) qui lui annonce qu’elle est le slayer, l’élue qui doit combattre les vampires, et lui son protecteur : dans ses rêves elle voit des scènes de combat, elle a une force et des habilités particulières. Merrick l’entraine, elle rencontre quelques succès, et doit affronter Lothos (Rutger Hauer), une sorte de roi vampire, et son serviteur, Amilyn (Paul Reubens). Interviennent alors deux jeunes adolescents, Oliver Pike (Luke Perry) et Benny Jacks (David Arquette), le type de personnage considéré comme des losers dans les séries adolescentes ; ignorés par Buffy et les autres filles populaires, ils sont attaqués par Amilyn et Benny est transformé en vampire mais Pike est sauvé par Merrick. Après une série de péripéties, Pike et Buffy deviennent partenaires dans la lutte contre les vampires et commencent aussi une histoire d’amour. Mais lorsque Merrick est tué par Amilyn, Buffy a un moment de rejet de ses obligations en tant que tueuse ; elle essaie d’expliquer à ses amies ce qui arrive mais celles-ci sont trop concernées par le bal du lycée. On trouve là un des éléments essentiels qui s’oppose à la série : car dans la série, comme on le verra, le monde de la slayer n’est pas en contradiction avec le quotidien de l’adolescence…Les deux s’imbriquent en permanence, ce qui peut être considéré comme une des grandes trouvailles de la série. A la fin du film, se produit la confrontation avec les vampires au moment du bal ainsi que les retrouvailles de Pike et Buffy.
Comme on voit parmi ces éléments nombreux sont ceux qui se retrouvent dans la série le changement essentiel étant celui mentionné. Mais le fait de ne pas avoir repris les acteurs ainsi que l’esthétique marquent des différences importantes aussi. Concernant les acteurs, Pike inscrit dans la série le monde adolescent de Beverly Hills, tout comme Kristy Swanson reprend le type de la blonde populaire des séries adolescentes réalistes. Quant à la question de l’esthétique, un aspect attire tout de suite l’attention : le rythme narratif, une question très importante dans la série et dans l’histoire des séries américaines, car dans la deuxième moitié des années 1990, les séries commencent à raconter plusieurs histoires en parallèle, de façon à créer une densité narrative particulière, qui repose sur ce passage constant d’une histoire à l’autre. Il n’y a plus un fil conducteur mais plusieurs, même s’il y en toujours un qui est davantage développé – mais il ne concerne pas toujours le personnage principal.
Il y a d’autres élément, qui expliquent le mécontentement et le rejet de Joss Whedon qui quitta le plateau avant la fin du tournage du film :
son humour a été jugé trop abstrait par les producteurs de la 20th Century Fox, ses blagues ont été supprimées, et Donald Sutherland ayant tendance à improviser ses répliques s’éloignaient du texte de Joss Whedon = or aujourd’hui spectateurs et critiques reconnaissent l’efficacité particulière des répliques des personnages dans la série, ainsi que le talent de JW pour l’écriture, et le maintien d’un ton entre humoristique et tragique
l’incendie du lycée, auquel on fait allusion plusieurs fois dans la série, a également été supprimé, étant considéré comme trop noir = mais cette noirceur est une des composantes essentielles de la série – ou plutôt : le mélange de noirceur et de légèreté l’est
Quelques autres éléments de comparaison :
L’âge et l’histoire de Buffy sont modifiés : elle est senior in high school dans le film mais la série commence quand elle est sophomore – dans la série elle vit avec sa mère divorcée, et ce divorce apparaît plusieurs fois, ainsi que sa souffrance liée à l’absence de son père et le manque de temps de sa mère, qui néanmoins s’occupe d’elle avec soin
Le film montre Buffy avant qu’elle découvre qu’elle est le slayer (jeune ado superficielle, populaire, cheerleader…) – ce passé n’apparaît pas dans la série, mais Buffy y fait allusion car la série commence quand elle arrive à Sunnydale souhaitant laisser ce passé derrière elle mais elle est accueillie par Giles, son protecteur, alors que les attaques de vampires commencent
Les vampires dans le film ont des visages humains et ils meurent comme des hommes – dans la série leurs visages changent et en mourant ils deviennent de la poussière
Les protecteurs dans le film ont vécu plusieurs vies, Merrick a 100 ans, et dans la série ils sont humains – contamination du film : L’immortel ? – Merrick quand il apparait dans des flashbacks dans la série est différent
Donc = la série à la fois fait référence au film mais s’en éloigne = Joss Whedon a pu reprendre les éléments qui lui semblaient essentiels et spécifiques et les développer : il a repris l’idée de départ qui consistait à inverser un topos narratif des séries et films américains : la jeune fille blonde et innocente poursuivie, victime de violence. L’inversion de ce topos se produit de deux façons différentes :
Bien entendu, car Buffy qui semble incarner ce stéréotype est le slayer, affronte les dangers et les violences, et (généralement) triomphe
1ere scène du 1er épisode la saison 1 : commence avec cette scène où deux jeunes lycéens pénètrent la nuit par effraction dans un lycée – la jeune fille a peur, le spectateur aussi, on pense qu’ils vont être attaqués ou qu’elle va l’être et au fait la jeune fille est un vampire et tue le jeune homme…il s’agit bien entendu de Darla, que Buffy tue dans cette même première saison, mais qui revient dans Angel, pin off de Buffy, qui avait engendré Angelus
Le renversement de valeurs, topoi, scènes, stéréotypes culturels et/ou typiquement hollywoodiens marque la totalité de la série. Mais ce procédé est également caractéristique de certaines branches contemporaines du fantastique.
L’élue, les scoobies et le protecteur
Buffy appartient à la catégorie des séries feuilletonnantes ou série-feuilleton, où plusieurs histoires cohabitent : une ou plusieurs qui connaissent une résolution à la fin de chaque épisode, une qui s’étend sur toute la saison, et une qui se développe sur la durée globale de la série. Il s’agit d’une structure narrative qui s’impose dans les années 1990
Buffy participe en ce sens d'un ensemble relevant de « l'ère Clinton » (1993-2001), une période de boom économique, avant le « tournant cognitif » (cognitive turn) que prirent les séries à partir du 11 septembre, moment de l’apparition de ce qu’on appelle les « smart series »3.
Les séries de la deuxième moitié des années 1990 et du début des années 2000 présentent des caractéristiques spécifiques, à commencer par le fait que le générique intervient généralement après un premier épisode (le pre-credit), qui entretient un rapport complexe à l'épisode, puisqu’il présente un bref récit, pas nécessairement lié à l’histoire principale de cet épisode, mais qui mène à un élément qui sera essentiel, comme on peut le voir dans des séries comme Law and Order(New York District), qui a rendu célèbre ce procédé narratif4.
Une autre caractéristique étant que les séries de la deuxième moitié des années 1990 présentent à la fois un héros individuel (single hero) et un héros collectif (ensemble heroes), une formule narrative qui s’est développée à partir des années 1980 ; si l’ensemble des héros incarne le retour à une série de valeurs américaines traditionnelles, dans cette période il s’agit de valeurs de tolérance, ouverture, humanité et intégration.
Le récit se maintient donc en équilibre entre l’histoire d’un héros ou d’une héroïne et celle d’un groupe – car le sujet principal est en vérité l’interaction des personnages, leurs relations, et la répercussion de ces interactions sur l’individu. Comme le dit Spike, un des vampires sanglant au début, qui rejoint progressivement le camp de la tueuse et un des partenaires amoureux de Buffy, dans un des épisodes les plus bouleversants : la tueuse est destinée à mourir et si Buffy a tenu si longtemps, c’est parce qu’elle a réussi à se lier affectivement à ses amis, son protecteur et sa mère (S5, ep. 7, « Fool for love », « La Faille »).
Il faut signaler la difficulté que présente la traduction du mot slayer, car le mot anglais a des implications différentes que le mot français de « tueuse ». Comme le dit Buffy à Riley épisode 11, saison 4 (Doomed) le slayer est un personnage singulier et mythologique : I thought a professional demon chaser like yourself would have figured it out by now... I'm the Slayer... Slay-er. Chosen One. She who hangs out a lot in cemeteries...?/ Je pensais qu’un chasseur professionnel de démons comme toi l’aurait compris maintenant…Je suis la tueuse. Tu-euse. L’élue. Celle qui traine souvent dans les cimetières… »
La langue est donc un élément essentiel : car en anglais le mot « slayer », qu’on traduit par tueuse, assassin, chasseur, n’est pas exactement un équivalent de killer ou de murderer = le mot slayer évoque la violence, mais aussi un univers spécifique, en dehors du monde naturel, pas forcément inscrit dans le mot tueuse.
La slayer est censée combattre seule, avec l’aide de son protecteur, Giles, un anglais, qui dans les 3 premières saisons est le bibliothécaire du lycée ; on apprend progressivement qu’il existe une organisation qui s’occupe de coordonner les protecteur et les slayers, le Conseil, sorte d’autorité maximale, avec siège à Londres, qui apparaît dans plusieurs épisodes, et qui sera pratiquement détruite lors de la saison 7 par la Force.
Buffy doit combattre dans ces conditions, avec donc le soutien logistique du protecteur mais dès son arrivée, elle se lie d’amitié avec deux autres adolescents de son lycée, Willow et Alex (Xander). Ce groupe, The Scooby Gang, se forme dès le premier épisode de la saison 1 et restera jusqu’à la fin, dernier épisode de la saison 7, où ils ouvrent la porte de l’enfer, mais avant de descendre, ils forment un cercle et discutent, un échange entre tragédie et ironie – et la dernière image de l’épisode les montre aussi ensemble après la bataille, mais avec des membres qui sont venus les rejoindre. Les 4 forment le groupe stable, mais qui connaîtra différentes situations, ils pourront être unis, amoureux, séparés, opposés…. Ces changements apportant parfois des éléments comiques, d’autres dramatiques.
Chaque saison élargit le groupe puis se referme à nouveau sur les 4 personnages – même si certains membres satellitaires perdurent :
Parmi ces membres satellitaires, se trouvent les trois grands amours de Buffy :
Angel, apparaît dès la saisons 1 à 3, puis fait quelques retours, alors que Buffy fait aussi des apparitions dans la série Angel ;
Riley, dans les saisons 4 y 5 essentiellement, au début membre du commando du professeur Walsh, qui traque les monstres, puis membre du groupe ;
Spike, autre vampire, au début grotesque, déchaîné, pervers, et qui progressivement tombe amoureux de Buffy, ils deviennent amants, puis récupère son âme et se joint au groupe pour le combat final, dans lequel il joue un rôle essentiel dans la saison 7.
Les autres tueuses :
Kendra, S2, qui est appelée parce que Buffy est morte quelques minutes, puis est tuée par Drusilla
Faith, personnage qui se développe dans la saison 3 ; il s’agit d’une tueuse sensuelle, sans limites, qui bascule dans le camp du mal après avoir tué un homme, dans l’épisode (S3, 14, « Bad Girls ») ; par la suite elle et Buffy s’affrontent, elle reste dans le coma pendant longtemps et fait un retour spectaculaire dans les épisodes 15 et 16 de la saison 4), lorsqu’elle échange son corps avec celui de Buffy – ce qui met en évidence une des zones de réflexion de la série, le rapport entre le corporel et le spirituel, leur interaction
Dans la saison 7, apparaissent progressivement plusieurs potentielles, certains personnages sont développés : Kennedy, qui devient la copine de Willow ; Amanda, qui donne lieu à un épisode également dense de réflexion sur ce qu’est le destin d’une tueuse, puisque lorsqu’ils découvrent qu’il y a une potentielle à Sunnydale, ils pensent par erreur qu’il s’agit de Dawn, la petite sœur de Buffy (S7, 12, Potential)
Buffy entretient un rapport ambivalent au fait d’être l’élue : cela la rend unique, mais fait reposer tout le poids du monde sur ses épaules, alors qu’elle souhaite mener une vie normale. Ainsi lorsque Kendra et Faith apparaissent, elle est à la fois jalouse – de Kendra car elle ne pense qu’à sa mission et est très studieuse, de Faith en raison de sa sensualité – et soulagée, car elle n’est plus seule face au monde. Elle profite et jouit un moment de la lutte avec Faith, elle se déchaîne et commence à se considérer aussi au-dessus des lois, jusqu’au moment où elle est ramenée à la réalité car ces excès mènent Faith à tuer un homme.
Deux autres tueuses apparaissent dans des flash-backs : les deux tuées par Spike, l’une en Chine, l’autre étant la mère du proviseur Wood, qui fait surgir le modèle d’une tueuse mère.
Il faut mentionner aussi la première tueuse : elle apparaît lors de rêves (« Cauchemar », S4, E22) et de la quête de Buffy (S5, E18, « La quête/Intervention »). Son origine est révélée dans S7 E15, « Retour aux sources »/Get it done » : il y a environ cinq mille ans, en Afrique, un groupe de trois chamans, connus sous le nom des hommes de l'ombre, ont employé une puissante magie pour transmettre à une jeune fille qu'ils ont trouvée et enchainée l'essence d'un démon, ce qui lui a donné des capacités physiques surhumaines (force, agilité, vitesse et guérison accélérée). Depuis, à chaque génération, une tueuse est activée. C’est cette règle du jeu que Buffy va modifier pour vaincre la Force à la fin de la saison 7, en activant toutes les potentielles grâce à l’essence de la tueuse (la hache que les gardiennes ont forgée). Une façon de prendre en main un destin qui lui a été imposé.
Autres membres satellitaires du groupe :
Cordelia, une chipie du lycée, qui les rejoint parfois tout en restant le stéréotype de la jeune fille superficielle, et qui ira rejoindre le staff de Angel, où le personnage évolue ;
Wesley Price, protecteur auquel Buffy est assignée après que le conseil renvoie Giles, qui fera partie du groupe d’Angel aussi ;
Anya qui apparaît lors de la saison 3, (E9, “The Wish”), et après quelques allées et venues reste comme membre stable du groupe pendant plusieurs saisons, jusqu’au moment où Alex l’abandonne au moment du mariage ; par la suite elle récupère ses pouvoirs, et redevient un ange vengeur, puis répare le mal qu’elle a fait et rejoint à nouveau le groupe ;
Oz, petit ami de Willow dans les 3 premières saisons, avec un retour en saison S2, qui est un loup-garou ;
Jenny Calender, présente dans les 2 premières saisons, professeur d’informatique et amoureuse de Giles, avant que Angelus la tue ;
Drusilla un vampire particulièrement pervers, et amusante, dont Spike est amoureux, qui apparaît dans la S2, E3 ; puis revient S5 E14
Tara, sorcière qui devient la petite amie de Willow, dans les saisons 4 à 6, qui donne lieu à plusieurs épisodes particulièrement passionnants : celui sur son anniversaire, S5, E 6, « Family », évocation du monde protestant de la sorcellerie, dans le style de La lettre écarlate de Hawthorne ; S6, E 8, « Tabula rasa », où le groupe est victime d’un sort jeté par Willow pour que Tara oublie leur dispute, épisode où elle quitte Willow et Buffy et Spike entament leur histoire d’amour
Dawn, la petite sœur de Buffy introduite dans la saison 5, épisode 1 « Buffy versus Dracula » ; outre le mal de vivre engendré par la découverte de sa nature, Dawn suit après un processus intéressant, car elle devient une adolescente rebelle, puis s’engage dans le combat contre les démons jusqu’au bout
Le mal incarné
Chaque saison voit apparaître un ennemi nouveau, et la réalisation de ces personnages ambivalents et nuancés est particulièrement efficace :
S1 : Le Maître, Darla, et ses acolytes : est le moins nuancé des opposants majeurs de Buffy, et correspond visuellement à de nombreuses représentations cinématographiques des vampires ; mais parmi ses acolytes se trouve l’enfant, le Juste des Justes – qui met en valeur un regard particulier de Buffy et Angel sur le monde de l’enfance : innocence + perversion
S2 : le Juge + Spike, Drusilla, Angelus : le Juge évoque Frankestein – le trio reformé Spike, Drusilla, Angelus est aussi un triangle amoureux, et leurs rapports apportent une touche amusante au tragique impliqué dans la transformation d’Angelus
S3 : le Maire, un des méchants les plus réussis, où se mêlent politique et monde surnaturel – un personnage ambivalent, obscur, à la fois amusant et horrifiant, qui s’éprend d’un amour fraternel, mais ambivalent, pour Faith et voit en Buffy le mal incarné
S4 : le Commando qui est un projet du gouvernement qui combat les démons et professeur Walsh mais deviennent les ennemis de Buffy ; Spike revient mais devient inoffensif ; puis Adam, le monstre dans le style de Frankestein
S5 : Gloria, la déesse, à la fois chic et vulgaire, déchaînée et impétueuse, et perverse – doublée de Ben, en qui elle se transforme
S6 : Buffy affronte la réalité qui lui est hostile et pénible ; puis elle doit, sans le savoir au début, faire face au trio composé de Warren, Andrew and Jonathan : 3 anciens camarades de lycée qui veulent s’attaquer à elle pour devenir célèbres, voulant être des supers méchants dans le style des BD, et terminent par tuer Tara ; Buffy doit aussi affronter Willow devenue maléfique et vengeresse
S7 : the First/la Force : origine du mal, qui éveille une armée de vampires – la Force est un personnage extraordinaire : elle peut prendre l’apparence de toute personne morte, et comme Buffy a été morte, deux fois, elle prend souvent son apparence – elle est secondée par un autre personnage extraordinaire et fascinant, Caleb (l’acteur Nathan Fillion, qui avait auditionné pour le rôle d’Angel, et joue dans un film de Joss Whedon qui a des traits communs avec Buffy, Serenity(2005) – Caleb est le vaisseau de la Force, il est très physique et habillé en prêtre, son discours protestant fanatique se mélange avec une forme de folie assassine – les autres membres de l’armée de la Force sont les Turok-han, les Bringers
Dans Buffy l’héroïne combat le mal, mais elle n’est donc pas seule, et elle habite un monde où tout n’est pas noir ou blanc, le mal et le bien ne sont pas associés à des catégories de personnes – même parmi les démons et les vampires, s’ils sont par nature maléfiques, il y a en a de bons, comme Angel, Spike à la fin…Les confusions entre bien et mal sont rares, cependant, et sont dues à des malentendus (par exemple lorsque Angel revient au début de la saison 3, après que Buffy ait été obligée de le tuer, mais elle n’en parle pas aux autres membres du groupe qui croient qu’il est maléfique), l’absence d’information ou de connaissance (lorsque dans la saison 1 Buffy découvre qu’Angel est un vampire, ils ignorent encore qu’il a une âme et qu’il n’est plus maléfique), le désir de tromper délibérément (comme lorsque Faith, une autre tueuse, rejoint le camp du maire dans la saison 3 et feint de rester fidèle au groupe pour les espionner).
La question du bien et du mal n’est donc pas schématique et de nombreux personnages passent d’un camp à l’autre dans certaines circonstances (Angel, Faith, Willow, Jonathan, Andrew, Spike…). Il y a toujours un retour lorsque le passage se fait du bien vers le mal : Angel, Faith, Willow, Andrew, Spike, Anja…, mais la possibilité de le faire repose sur la cohésion et la volonté et le soutien du groupe. La question semble être non pas liée à des valeurs absolues donc, mais à l’effet que les actions ont sur les autres ; en ce sens, la série défend l’idée d’une vie en communauté solidaire d’entre aide. On le voit tout particulièrement lorsque Anya redevient un démon, et le groupe essaie de la ramener vers leur monde et de faire abandonner les châtiments et la vengeance, l’aidant ainsi à dépasser la souffrance causée par Alex lorsqu’il l’abandonne au moment du mariage, en S7, E5.
L’identité de Buffy même si elle s’en défend est dans le combat contre le mal, c’est ce combat qui la ramène à elle dans l’épisode 1 de la saison 3, « Anne ». En revanche, lorsqu’elle se sacrifie pour Dawn, elle est arrachée au paradis par ses ami.e.s: le groupe suppose qu’elle est en enfer, et souhaite la ramener, il agit sans Giles, qui est retourné en Angleterre, l’erreur, quiva déséquilibrer l’ordre du monde et provoquer l’attaque de la Force dans la saison 7, est ainsi commise sans son accord.
Le monde de Buffy n’est donc pas un monde où le Bien et le Mal sont séparés par une frontière tranchante, mais un où derrière la réalité chaotique se trouvent des formes d’organisation qui gèrent le réel selon des règles qu’il n’est pas toujours facile de comprendre pour les personnages et pour les spectateurs : le Conseil, l’Initiative, les forces du mal avec ses réseaux et se divers représentants, le trio, les gardiennes, les Chevaliers de Byzantium…Mais ces organisations rajoutent du chaos, de façon à ce que la seule stabilité pour les personnages vient des relations entre amis, et avec le protecteur, et, dans le cas de Buffy uniquement, de la présence de sa mère, qui, néanmoins, peine à comprendre le monde de sa fille adolescente sans percevoir au début le surnaturel dans lequel elle vit. Le monde de Buffy est un monde sans politique, ou en tout cas où la politique n’est pas l’essentiel (le Maire), mais où les enjeux sous-jacents deviennent centraux.
On a souvent mis en rapport ce monde régi par une division nette entre Bien et Mal avec la disparition du bloc communiste, qui a modifié les schémas narratifs hollywoodiens, puisque les opposants traditionnels ont disparu, et avec eux les structures narratives qui impliquaient de façon implicite ou explicite une défense du monde occidental par opposition au monde communiste, et une division manichéiste du monde. C’est une explication un peu simple, mais ce qui est certain est que l’ouverture du monde communiste et le boom économique des années 1990, tout comme l’arrivée d’une nouvelle génération d’auteurs et le développement technique, ont favorisé le développement d’un nouveau type de séries qui prêchent des valeurs de mixité et tolérance, tout comme le dépassement d’une série de stéréotypes masculins et féminins.
La question du genre
Le plus souvent Buffy est considérée comme une série pour adolescents (y compris par les producteurs, comme on a vu), et abordée à partir soit de la psychanalyse soit de l’anthropologie : elle symboliserait les enjeux et les étapes du passage initiatique de l’adolescence au monde adulte.
Néanmoins, elle peut également être abordée à partir d’une autre entrée : le genre fantastique. Le récit se maintient dans un équilibre marqué par l’introduction d’un monde surnaturel, renvoyant au fantastique, dans l’univers des stéréotypes adolescents nordaméricains – ou de ces stéréotypes dans l’univers fantastique, puisqu’on ne bascule jamais entièrement dans l’un ou l’autre, et c’est cette combinaison qui fait son efficacité. Ainsi, la relecture parodique d’une série de mythes de l’adolescence et de la jeunesse américaines (la recherche de l’amour, l’initiation sexuelle, l’importance de l’amitié, des éléments caractéristiques de la société nordaméricaine, comme les pompon girls), implique un rapport extrêmement étroit à son contexte de production, en termes de relecture productive. L’univers des séries et des films de jeunes adolescents et le genre fantastique s’enchevêtrent pendant toute la série. Pour exemple on peut citer le magistral épisode 3 de la S1, « Witch »/« Sortilèges », où Buffy tente de redevenir populaire et de récupérer une vie normale en devenant cheerleader, alors qu’une sorcière s’empare des concurrentes de sa fille, dont elle a usurpé le corps, alors que Giles lui dit que de telles banalités n’ont pas lieu d’être car elle a une mission.
Il est donc extrêmement difficile d’identifier pleinement Buffy avec un genre préexistant, ce qui mène à classer la série dans différentes catégories, telles que supernatural drama, comedy-drama, action, horror ; des hésitations qui viennent en partie du fait que le fantastique n’a pas de reconnaissance en tant que genre autonome dans le monde anglophone, où on utilise les termes de fantasy ou horror, mais apparaît comme un genre spécifique en France, en Allemagne, en Amérique Latine5. On peut dire que Buffy contribua à la production de nouveaux tours d’écrous génériques : du fantastique traditionnel, la série récupère des personnages, certes, comme on verra, mais aussi cette cohabitation d’un monde normal et banal avec un surnaturel. Acceptée par Buffy, et tous les « initiés » à cette double réalité, elle est soit ignorée soit niée par d’autres personnages – la mère de Buffy par exemple, ignore tout de la mission de sa fille jusqu’à la fin de la saison 2, et quand elle l’apprend cela mène à une crise qui pousse Buffy à partir sans laisser d’adresse.
En outre, certains épisodes individuels reprennent des traditions littéraires et audiovisuelles spécifiques, créant des effets de relecture particuliers, comme le très célèbre “Once more with feeling” (Saison 6, épisode 7), en mode comédie musicale, où l’aspect plus superficiel du genre est mis en contraste avec le fait que Buffy en vient, à la fin, à admettre combien elle est malheureuse d’avoir été ramenée à la vie par ses amis, et combien vivre dans le monde réel lui est douloureux et coûteux – et à entamer une histoire d’amour avec Spike, que, jusqu’alors elle méprisait.
Parmi les épisodes qui présentent des personnages, des topoi ou des situations propres au genre fantastique et à la science-fiction :
L’homme invisible (S1, E11) – mais qui est ici une femme, une jeune fille du lycée, dans un épisode qui thématise de façon magistrale l’indifférence à l’égard de certains jeunes dans les séries adolescentes: “Out of Mind, Out of Sight”, connu aussi sous le titre de « Invisible Girl »
Frankestein : il y a deux reprises de l’homme artificiel, composé de parties humaines : l’une dans la S2, E2: « Some Assembly Required », où un jeune mort dans un accident de voiture est reconstruit par son frère, qui lui cherche une partenaire, comme dans le roman de Mary Shelley; puis Adam dans la saison 4, qui est en plus moitié homme moitié machine, personnage terrifiant, qui dans une de ses premières escapades tue un enfant, comme dans le roman de Mary Shelley
La créature dans un œuf : « Bad Eggs », S2, E12 – ne pas oublier que Joss Whedon est le scénariste de « Alien Resurrection », 1997
Le loup-garoup, personnage folklorique entré dans la littérature fantastique : « Phases », S2, E15, c’est Oz qui est le loup-garoup, et on verra aussi apparaître une loup-garoup, Veruca, « Wild at heart », S5, E6
Les maléfices et enchantements: Amy “Bewitched, Bothered and Bewildered”, S2, E16 – et plus généralement toute une série de gestes de sorcellerie accomplis par Willow
Légendes folkloriques et populaires: le “Kindestod”, dans « Killed by Death », S2, E18, et autres
Le double maléfique : Doctor Jekyl and Mister Hyde: “Beauty and the Beasts”, S3, E4, un topos utilisé pour faire référence à la violence faite aux femmes
Le souhait maléfique: “The Wish”, S3, E9
Le Troll, libéré par mégarde par Willow, S5, E11, ancienne connaissance d’Anya
Le robot: “Ted”, S2, E11; S5, E15; la femme parfaite créée par Warren, S5, E18 et plusieurs autres où apparaît le robot Buffy, fait par Warren à la demande de Spike
La réincarnation : S3, E19, « I Only Have Eyes for You », où une ancienne professeur du lycée et un étudiant qui avaient une affaire dans les années 1950 se réincarnent dans Buffy et Angel pour revivre leur fin et retrouver la paix
Différents démons, de toutes espèces, parmi lesquels se distingue Anya, ancien démon vengeur…
On trouve aussi des références littéraires autres comme dans Sœurs ennemies S5, E5, où le nom du globe lumineux que trouve Buffy est une référence à l'auteur américain H. P. Lovecraft, traduit en français par « Dogon des fées », mais qui en anglais s’appelle « Dagon Sphere », Dagon étant un dieu dans une nouvelle éponyme de Lovecraft ; la sphère sert à l’innommable (« what cannot be named » en anglais), une référence aux dieux que décrit Lovecraft dans ses nouvelles.
Et bien entendu : le vampire, une des grandes créations du fantastique : Dracula, Bram Stoker (1897) avec sa longue continuité théâtrale, cinématographique, littéraire – Dracula apparaît en tant que personnage d’ailleurs en début de saison 5 (E1), « Buffy versus Dracula », pas un épisode si impressionnant, mais celui où, alors qu’elle est confrontée à Dracula, Buffy comprend tout ce qu’elle ignore sur ses pouvoirs, une question qui sera explorée en particulier à la saison 7, où elle se retrouve dans le passé, confrontée aux premiers observateurs ; ils lui offrent plus de pouvoir, l’essence démoniaque, mais elle refuse car elle a peur de payer le prix fort, et de devenir moins humaine (S7, E15, « Get it done »).
On trouve aussi dans Buffy des « ur-vampires », les Turok-Han, qui renvoient à certaines représentations cinématographiques, comme celle de Nosferatu le vampire, de Murnau (1929).
Le dialogue permanent avec des genres différents, avec, néanmoins, la dominance des deux signalés, le fantastique et la comédie adolescente, constitue ainsi un genre particulier, une partie du succès et du plaisir suscité chez le spectateur venant de cette capacité à reconnaître et à identifier le renvoi à d’autres genres. Ce dialogue est fait d’emprunts, de citations, de reprises, de parodies, de renversements et d’appropriations. On peut également parler de « transfictionalité », dans les termes de Richard Saint-Gelais.
Outre le recours à des personnages, des topoi et des situations du fantastique, Buffy crée aussi un monde fantastique à travers une autre ressource : le langage, qui est également un recours classique de la littérature fantastique: en prenant de façon littérale des expressions, des modismes et des dictons, tout comme des expressions de la vie courante, en particulier de la vie adolescente :
Dès la Saison 1, E2, « The Harvest », lorsque Buffy doit se rendre au Bronx pour combattre les acolytes du Maître et empêcher que celui-ci soit libéré, sa mère l’en empêche car elle croit qu’elle sort avec ses amis, et lorsque Buffy tente d’argumenter, elle lui dit qu’elle sait que c’est la fin du monde ! mais ça l’est, au sens littéral, car si Buffy n’arrête pas le Maître, ce sera vraiment la fin du monde.
Saison 1, E3, « Witch », lorsque Alex et Willow accompagnent Buffy aux sélections pour devenir cheerleader, et tous les trois observent les candidates passer leur audition, Alex dit : « This girl is on fire »/Cette fille est en feu », ce qui semble simplement être une expression d’admiration ; mais en vérité elle est en train de prendre feu, victime d’un sortilège.
En S2, E17, « Passion »/La Boule de Thessula », alors qu’Angelus poursuit Buffy et ses amis, il se rend chez elle où Joyce semble disposée à l’accueillir mais Willow fait une incantation afin d’empêcher qu’il entre dans la maison, car il y avait déjà été invité et Buffy lui dit : “Sorry, I changed the locks”/Désolée, j’ai changé la serrure. Et lorsqu’elle doit expliquer la situation à sa mère, celle-ci qui la considère comme ayant été imprudente, puisqu’Angelus vient de lui dire qu’ils ont fait l’amour, lui dit : « Bien sûr, il était gentil, et il a changé. », renvoyant à un topos amoureux qui de plus sera réexploité en S4, E3, « Désillusions (The Harsh Light of Day), à propos de l’aventure de Buffy avec Parker, avec qui elle passe une nuit. Cette Buffy qui se laisse séduire comme une jeune femme quelconque et peine à dépasser cette désillusion, réintroduit avec force la cohabitation du banal quotidien réel et du fantastique, comme on le voit dans l’épisode 5 de la saison, « Beer Bad », où Buffy est ramenée à un état primitif par une bière trafiquée, alors qu’elle fantasme sur le retour de Parker qui s’excuse auprès d’elle ; lorsqu’elle lui sauve la vie et il le fait effectivement Buffy l’assomme avec un bâton….Le retour au primitif et le passage par le fantastique permettent souvent, dans la série, de résoudre les situations de la vie quotidienne banale et réaliste.
La tragédie de la vie dans la bouche de l’enfer
La série se situe entre vie quotidienne des adolescents et des jeunes et fantastique, mais aussi entre tragique et ludique. Et cette habilité à rire au milieu du tragique et à rendre tragique le rire rend la vie plus supportable.
La vie amoureuse par exemple reste entre désespoir, car aucun personnage ne réussit à rester avec son amoureux ou amoureuse sans qu’interviennent des obstacles surnaturels ou autres, et épanouissement, dans la mesure où être amoureux permet aux personnages de mieux comprendre qui ils sont.
Un des traits spécifiques de la tueuse est sa capacité au sacrifice : de la vie « normale », bien qu’on puisse dire que la série postule que dans celle-ci s’inscrivent le surnaturel, le mal, l’imprévue ; de l’amour, car en fin de S2, elle doit tuer Angel, malgré le fait qu’au dernier moment, Willow réussi à lui rendre son âme. Mais Angel avait été un démon, ce pourquoi il est possible de le sacrifier ; Dawn, en revanche, est innocente, ce pourquoi Buffy se sacrifie pour elle, en fin de S5. La mort est son cadeau, comme lui dit la première tueuse. Buffy pense que cela signifie qu’elle appartient au monde des morts, mais en vérité la tueuse fait allusion au fait qu’elle va mourir à la place de Dawn.
Cette double nature du monde est mise en question lors de l’épisode de la S6, E17, « A la dérive/Normal again », où, suite au contact avec un démon particulier, Buffy a des hallucinations, et commence à alterner entre son monde et un asile psychiatrique : le monde de la série ne serait qu’une hallucination d’une Buffy folle, à un moment où tout va mal pour tous les personnages de la série, et disparaître peut apparaître comme une délivrance. L’épisode remet en cause toute la mythologie de la série ; les scénaristes ont pris soin d’équilibrer les deux mondes et de les rendre réalistes, de façon à ce que le spectateur se pose la question : lequel des deux est réel ? il se ferme d’ailleurs sur une scène très ambivalente, car une fois Buffy revenue à la raison, dans le monde de la série, on la voit dans l’asile, et le psychiatre déclare qu’ils l’ont perdue pour toujours. Dans S3, E9, « The Wish », on retrouve aussi le concept de mondes parallèles : on y découvre un monde où la tueuse n’est jamais venue à Sunnydale, et les vampires dominent, où Willow et Alex sont des vampires, et affrontent Buffy, Giles, Oz. Buffy, Willow, Alex meurent …Giles finalement détruit le talisman d’Anya, qui a créé ce monde pour répondre à un désir de Cordelia et il affirme qu’il a foi dans le fait que l’autre monde est meilleur.
Le générique : Quand Buffy n’est pas Buffy
Les génériques des séries des années 1990 constituent un récit, qui propose à la fois une présentation des personnages, une définition générique de la série, et une relecture de celle-ci. Dans celui de Buffy, plusieurs éléments sont remarquables :
Placé, comme on a dit, entre le pre-credit et le début de l’épisode, il commence par des images destinées à fournir une identité générique de la série, en correspondance avec la présentation du personnage : le ciel nocturne, des écritures anciennes, dans lesquelles on ne déchiffre que le mot “died”, le titre de la série apparaissant sur une image de pleine lune, puis la gravure d’un livre ancien où on arrive à distinguer un démon et le mot “Vampyr” écrit sur la couverture ; puis surgi l’image de Buffy prenant la croix que lui donne Angel dans la première saison, signe de ce destin qu’elle a encore du mal à accepter. Ainsi autant la typographie que les images renvoient à l’univers du film fantastique de vampire, au gothique, à Nosferatu le Vampire6, et plus généralement aux Hammer film productions7.
Ces premières images restent pratiquement constantes dans les sept saisons, avec quelques modifications dans la saison 2, où les lettres apparaissent sur fond de cimetière. Quant à la musique du générique, elle est jouée par le groupe Nerf Herder (choisi par Joss Whedon à partir de la suggestion de l’actrice Alyson Hannigan)8 ; le son de l’orgue par lequel il commence s’accompagne du hurlement d’un loup, sur l’image du ciel nocturne et des textes inintelligibles ; le thème change, l’orgue étant remplacé par un son agressif de guitare électrique ; le mouvement entraine donc le spectateur d’un univers livresque ancien et gothique vers la culture de la jeunesse actuelle. Mais la musique rappelle également, Baba O’Riley de The Who, et dont les paroles sont proches de la philosophie de Buffy : le teenage wasteland est un monde contre lequel les héros luttent en permanence, et auquel ils font des références ironiques en permanence, tout en combattant les vampires.
Puisque les séries feuilletonnantes se construisent sur un équilibre entre personnage principal et rapports de groupe, le générique présente tous les personnages, à tour de rôle, c’est-à-dire l’héroïne, ses amis et l’observateur (Giles), à travers différentes images des personnages, tirées de la totalité de la série et de chaque saison en particulier. Ces images du groupe font écho à une question thématisée dans Buffy, puisque la tueuse qui est, en principe, censée agir seule, tisse des liens avec le groupe, et leurs rapports jouent un rôle dans ses succès et échecs éventuels9.
Comme les images sont tirées en partie des saisons précédentes et en partie de la nouvelle saison, elles réactivent le passé des personnages, et de la série, mais acquièrent également un autre sens, puisqu’elle tentent de définir les personnages et leur évolution (comme on peut le voir dans celui de Friends10) ; simultanément, le générique construit, ou plutôt, il reconstruit des fragments de récits connus, créant une attente vis-à-vis des images venant d’épisodes qui ne sont pas encore connus des spectateurs, qui vient s’ajouter au rappel des événements antérieurs.
Mettre en place un équilibre entre le passé des personnages et celui de l’avenir que le spectateur est amené à découvrir au fur et à mesure tout au long de la saison, demande un montage visuel, musical et narratif particulier, à un rythme soutenu. Ce rythme narratif constitue aussi un des traits spécifiques de la série, où s’enchevêtrent trois récits, le principal étant généralement résolu dans l’épisode, mais les trames qui s’étalent sur plusieurs épisodes, ou sur toute une saison, ne le sont pas.
Ainsi, le générique ne prétend pas résumer la série, mais oui l’évolution que les personnages ont subie, ainsi que leurs traits de caractère saillants. Pour exemple on pourrait citer le générique de la saison 7, où la première image de Willow la montre lors de son moment d’immersion dans l’obscurité, dans la plénitude de sa force maléfique, apparue dans les quatre derniers épisodes de la saison précédente, rattachant ainsi le personnage à ce moment ; son visage se confond avec celui d’un monstre ; suit une image qui la montre aussi sous cet aspect, mais souriant d’un air maléfique, puis une image de la Willow gentille, sur laquelle s’imprime “And Alyson Hannigan as Willow”, ainsi qu’un gros plan du personnage présenté sous son angle enfantin, puis un autre où elle semble entre inquiète et apeurée ; suit un plan de deux vampires et un du groupe (qui comprend ici aussi Anya, Giles, Dawn, Spike) qui ouvrent une porte et crient terrifiés (“Tabula rasa”, Saison 6, épisode 8, épisode particulièrement important, où Willow jette un sort qui met en danger toute l’équipe), suivi d’un très gros plan du personnage qui semble surpris. Ainsi dans cette succession, c’est le parcours du personnage de la jeune fille naïve et enfantine à Dark Willow, présenté en ordre inverse à la chronologie, qui introduit une saison où le personnage abandonne son côté obscur, mais aura besoin de tout le pouvoir acquis en tant que sorcière, pour combattre The First, tout en craignant en permanence une rechute.
Deux autres traits caractérisent le générique de Buffy :
D’une part, lors de deux épisodes, le récit ponctuel envahit le générique ; dans Once more, with feeling, épisode 7 de la saison 6, où le générique imite ceux des comédies musicales des années 1940 ; et aussi dans Superstar, épisode 17, de la saison 4, où le personnage de Jonathan provoque une déviation de la réalité, à travers un sort, qui le transforme en surhomme, et dans le générique on retrouve donc Jonathan, ainsi que des images intercalées qui le montrent comme héros, et l’image finale du générique est celle de Jonathan.
Un dernier trait est que la dernière image du générique, qui est particulièrement longue et chargée de sens, présente l’héroïne, mais en vérité, ce n’est pas Buffy, ou il s’agit bien de Buffy mais dans une situation de rejet de sa propre identité. Il existe quatre versions différentes de la dernière image du générique, qui montre donc Buffy à travers un mouvement de caméra, et reprend des moments du récit particuliers, soit où Buffy refuse d’être Buffy (saisons 1 à 5), ou quand ce n’est pas vraiment Buffy (saisons 6 et 7). Rappelons les dernières images des génériques de la série.
Lors des saisons 1 et 2, la dernière image vient de “The Harvest”, deuxième épisode de la première saison. La dernière image est un travelling ascendant, sur des tons froids, qui met en valeur la puissance de l’héroïne, dans une situation où elle-même la découvre : il s’agit de la scène où Buffy décide de venir en aide aux jeunes emprisonnés par Luke et d’autres vampires dans le Bronze, et où, pour la première fois, on la voit employer la ruse pour vaincre ses ennemis, leur faisant croire que le soleil s’est levé, une des premières occasions de présenter le mode ludique employé par Buffy dans ses combats. Au début elle baisse la tête et la vue, puis dans la mesure où le travelling se rapproche d’elle, elle lève les yeux et regarde vers le haut, d’un air assuré.
Le générique de la saison 1 a une durée de 00 : 50 secondes, et Buffy y est présentée à travers une alternance de gros plans, et de moments d’action, dont plusieurs viennent de la bataille finale avec le Maître à la fin de la saison ; Buffy est en général montrée au combat, alors que les autres personnages le sont surtout en gros plan, séparément ou avec elle ; nous avons peu de scènes de groupe, mais l’avant-dernière en est une, et montre Buffy, Willow, Alex et Giles sortant de la bibliothèque, et allant au combat ensemble. Quant au générique de la saison 2, d’une durée de 00 : 49 secondes, il est composé d’une succession de scènes d’action, avant une série de plans (gros et américains) de Buffy au moment où le nom de l’actrice apparaît, le même procédé étant utilisé pour les autres acteurs. Les scènes de combats sont nombreuses, plus que celles de situations, et viennent s’ajouter des images de Buffy et Angel, étant donné qu’il s’agit de la saison où leur histoire d’amour se développe ; nous trouvons également des scènes de groupe et de décor, en particulier au lycée. L’avant dernière image est la même que celle de la saison 1, tout comme la dernière image.
Le générique des saisons 3, 4 et 5 présente un changement de l’avant dernière et de la dernière image. La dernière image vient de l’épisode “Anne”, le premier de la troisième saison, où, après avoir tué Angel lors du dernier épisode de la saison précédente et avoir rompu avec sa mère lorsqu’elle a appris qu’elle était la tueuse, Buffy va à Los Angeles, où elle devient serveuse sous le nom d’Anne, qui est au fait son deuxième prénom. Il s’agit donc d’un des moments où Buffy rejette son destin et sa mission de tueuse, et tourne le dos à ses amis, sa famille et son observateur. L’image de fin du générique, marque, en revanche, son retour : après avoir été faite prisonnière dans le sous-sol géré par le démon Ken, dépassant un moment de désespoir, Buffy redevient la tueuse et cherche à se libérer, ainsi que les autres prisonniers. Il s’agit d’un travelling descendant, dans des tons chauds (l’endroit est un espace d’enfer, où le feu est très présent) ; la descente aux enfers et l’esclavage dans ce lieu où les personnes sont dépossédées de leur identité, sont donc paradoxalement le moment et le lieu où Buffy retrouve la sienne ; plus précisément c’est dans la bataille qu’elle redevient le slayer, et retrouve l’envie de se battre, avant de retourner chez elle. Quant à l’avant dernière image du générique de la saison 3, elle vient de l’épisode “Innocence – Part 2”, numéro 14 de la saison 2, et montre le groupe en train d’aller attaquer le juge, et donc le moment où Buffy, après avoir eu des relations sexuelles avec Angel, comme celui-ci a perdu son âme et est devenu maléfique, se tourne vers ses amis et son observateur pour pouvoir affronter leur nouvel ennemi.
Ce générique de la saison 3 a une durée de 00 : 48 secondes, et présente une accélération du rythme de la musique, qui se maintient jusqu’à la saison finale, ainsi que davantage de scènes où se trouvent deux des personnages, généralement Buffy et un autre ; Angel apparaît ici surtout dans des scènes où il est maléfique dans la saison précédente, ce qui permet d’annoncer son départ de la série, conséquence du fait que lui et Buffy ne peuvent poursuivre leur relation sans risquer de perdre son âme à nouveau (mais une autre cause est la création d’une série autour de ce personnage, Angel11). La présence des scènes d’action augmente aussi, en accord avec le rythme musical, et on trouve en particulier la bataille finale contre Angel de la saison 2. On remarque que les personnages sont montrés en mouvement, moins en gros plan qu’en plan rapproché, ainsi que l’apparition de plusieurs monstres différents et autres opposants. Notons aussi la présence de Seth Green dans le générique.
En ce qui concerne le générique de la saison 4, il a une durée de 00 : 59 secondes, et montre aussi une intensification des scènes d’action, ou suggérant l’action et le mouvement ; David Boreanaz, Charisma Carpenter et Seth Green ne sont plus présents, alors que James Marsters (Spike) et Marc Blucas (Riley) apparaissent. Le générique de la saison 5 dure 00 : 51 secondes ; on y remarque l’introduction d’Emma Caulfied (Anya) ; Michelle Trachtenberg ne figure pas dans le générique, son nom est introduit comme guest star, mais elle figure par la suite. L’avant dernière image change dans cette quatrième saison, il s’agit de la scène qui montre l’attaque de l’Initiative dans l’avant-dernier épisode de la saison 4, n. 21, “Primeval” ; on remarque l’insertion au milieu de cette scène de lettres “Buffy”. La dernière image reste celle venant de “Anne”.
On peut donc affirmer une certaine continuité entre les saisons 3 et 5, à travers la conservation d’une même image finale. Entre les deux premières saisons et les trois suivantes, nous passons donc d’une image de l’héroïne où elle se découvre elle-même et accepte son destin, à une image qui vient d’un moment de la série où elle renie son identité ; des moments où Buffy tente de ne pas être Buffy, puis revient à son personnage. Les saisons 6 et 7 poussent cette logique plus loin, puisqu’elles vont adopter une autre image qui met en valeur la puissance de l’héroïne, mais cette fois ce n’est pas vraiment elle : dans la saison 6, ce sera le robot Buffy, que Spike oblige Warren à fabriquer, à la fin de l’épisode 15 de la saison 5 (“I was made to love you”), et que l’équipe récupère et utilise pour affronter Gloria dans l’épisode final de la saison 5 (numéro 22, “The Gift”). Simultanément l’avant dernière image reste la même ; et dans la saison 7, il s’agit de The First qui a pris l’apparence de Buffy.
Le générique de la saison 6, qui a une durée de 00 : 50 secondes, rajoute Amber Benson (Tara), alors que Allyson Hannigan est présentée “as Willow” (dans le rôle de Willow), et pas Anthony Steward Head (Giles) n’y figure plus ; le livre au titre apparaît dans la première image “Vampyr” ; plusieurs images de mort et de Buffy sont rajoutées. L’avant dernière image reste la même (l’attaque de l’Initiative). La dernière image qui montre donc Buffy, au moment où elle arrive sur la scène du combat contre la déesse Gloria vient donc de la saison 5, épisode 22 (dernier) “The Gift”, qui est celui de la mort de Buffy, et devait marquer la fin de la série ; néanmoins, le passage de WB à UPN a permis de la poursuivre pendant deux saisons supplémentaires. Un léger travelling ascendant montre Buffy statique, dans une attitude défiante et ferme. A noter que le robot porte les vêtements que Buffy avait dans la scène précédente, ce qui nous permet d’affirmer que le travestissement était autant destiné au personnage de Gloria et ses acolytes qu’au spectateur.
D’une durée de 00 : 48 secondes, le générique de la saison 7, conserve l’avant dernière image, mais propose une nouvelle image finale : elle montre Buffy, mais il s’agit en vérité de la Force (The First), dans le premier épisode de la saison, “Lessons” ; le mouvement de la caméra correspond à un léger travelling ascendant, Buffy reste statique. Il s’agit de la scène où la Force qui apparaît à Spike, alors que celui-ci s’est réfugié dans le sous-sol du lycée (reconstruit, et qui accueille maintenant Dawn), où on la voit prendre d’abord la forme de Warren (Saison 6), puis de Glory (Saison 5), puis d’Adam (Saison 4), puis du Maire Wilkins (Saison 3), de Drusilla (Saison 2) et pour finir du Maître (Saison 1) – donc des différents ennemis affrontés par Buffy, mais en ordre inverse par rapport à la chronologie de la série ; une fois que la Force prend l’apparence du Maître, il se transforme en Buffy et affirme : “It's about power” (c'est une question de pouvoir), phrase reprise par Buffy au début de l'épisode. Il est évident que lors de la première fois où le spectateur est confronté au générique, il ne connait pas encore l’image. L’image renvoie au dernier épisode, “Chosen” (« Elue », saison 7, ép. 22), où la Force prend plusieurs fois l’apparence de Buffy, au moment où celle-ci décide de modifier les règles et de modifier le destin de toutes les tueuses, en particulier au moment où elle conçoit sa stratégie, et alors qu’elle semble perdre la bataille finale.
Ce que voit le spectateur dans ces dernières images des génériques en particulier dans les deux dernières saisons, est donc particulier et résume la série et le personnage qui se maintiennent en un équilibre instable entre acceptation d’un destin particulier et rejet de celui-ci.
Par ailleurs, ces personnages qui ont l’apparence de Buffy mais ne sont pas Buffy créent une série de quiproquos narratifssont provoqués, car, dans plusieurs cas, le spectateur ignore au départ qu’il ne s’agit pas de Buffy, et souvent c’est aussi le cas des personnages. Ces surprises proposent une interrogation sur l’identité et le parcours du personnage qui correspond à sa propre quête, de sorte que le spectateur l’accompagne dans le mouvement.
Bibliographie
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Steinmetz, Jean-Luc, La littérature fantastique, PUF/Que sais-je?, 1990.
Todorov, Tzvetan, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil/Poétique, 1970.
1 Créée par Marshall Herskovitz et Edward Zwick, 21septembre 1999-15 avril 2002, ABC.
2 Savannah est un soap opera, diffuse entre le 21 février 1996, et le 24 février 1997, crée par Constance M. Burge et produit par Aaron Spelling.
3 Sur le rapport entre les avancées en neurosciences et cognition sociale et les médias, voir Frau-Meigs, Divina, Socialisation des jeunes et éducation aux médias. Du bon usage des contenus et comportements à risques, Toulouse, Eres, 2011.
4 Dans Law and order, de brefs épisodes narratifs introduisent des personnages qui généralement ne reviennent pas dans l’épisode, mais ce pre-creditmène à la découverte de la victime qui déclenche l’action et fait débuter l’enquête. Law and order (1990-2010, créée par Dick Wolf).
5 Quelques tentatives de définition du genre fantastique : Roger Caillois, Roger, Au cœur du fantastique, Paris, Gallimard, 1965 ; Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1970 ; Ana María Barrenechea, “Ensayo de una tipología de la literatura fantástica (A propósito de literatura hispanoamericana)”, Revista Iberoamericana, n. 80, 1972, pp. 391-403, “La literatura fantástica: función de los códigos socioculturales en la constitución de un género”, Texto/Contexto, comp. K. Mc Duffe y A. Roggiano, Madrid, 1981 ; Jean-Louis Backès, “Le mot fantastique”, Vox-Poetica, http://www.vox-poetica.com/sflgc/biblio/backes.htm; Rosemary Jackson, Fantasy, the literature of subversion, London/New York, Methuen, 1981 ; Ricardo Romera Rozas, Introduction à la littérature fantastique Hispano-américaine, Paris, Nathan Université/128, 1995 ; Denis Mellier, La littérature fantastique, Paris, Seuil, 2000 ; Nathalie Prince, Le fantastique, Paris, Armand Colin, 2008 ; Jean-Luc Steinmetz, La littérature fantastique, PUF/Que sais-je?, 1990. Sur la polémique entre Todorov et Barrenechea, Louis, Annick, « Du Rôle de la délimitation du corpus dans la théorie littéraire. À propos de l'Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan Todorov et de la critique littéraire hispano-américaine », in Carine Durand, Sandra Raguenet (édit.), Entre critique et théorie. L’Amérique Latine : un autre regard sur la littérature, Classiques Garnier/Perspectives comparatistes, 2015, p. 113-128.
6 Murnau, Prana Film Berlin GmbH, 1922.
7 Attinello, Paul, Halfyard, Janet K., Knights, Vanessa (ed.), Music, Gender, and Identity in Buffy the Vampire Slayer and Angel, New York, Routledge, 2010.
8 Joseph Hill Whedon (1964-) est un producteur américain, directeur, auteur de script et de BD ; outre Buffy il a créé les séries Angel (1999-2004), Firefly (2002), Dollhouse (2009-2010), et est également l’auteur de scripts de nombreux films.
9 Dans “Fool for love”, Saison 5, épisode 7, Spike explicite cette situation, en affirmant que le lien à ses amis est ce qui éloigne Buffy de son désir de mort.
10 David Crane, Martha Kaufmann, 1994-2004.
11 1999-2004, Joss Whedon, David Greenwalt, Mutant Enemy.
190 FOR ALL MANKIND
avec François Rulier

François RULIER
Professeur agrégé d'histoire
Doctorant chargé de cours
Laboratoire Framespa - UMR 5136
Ecole doctorale TESC
Université Jean Jaurès
Secrétaire de rédaction de la revue Nacelles. Passé et présent de l'aéronautique et du spatial.
Co-fondateur du laboratoire junior Space Ages
Résumé épisode 190
Présentation de la série
Cadres généraux
Scénaristes
Histoire principale
L’uchronie
Qu’est-ce que l’uchronie ?
Cause(s) de l’uchronie
Conséquences et sens de l’uchronie
La mise en scène de l’uchronie
Les parcours des personnages historiques
Les programmes spatiaux
La politique états-unienne nationale
La géopolitique mondiale
La géopolitique spatiale
Lien entre uchronie et analyse de l’histoire
Les évolutions culturelles et sociales
Les femmes
L’homosexualité
La question raciale
Une série américano-centrée perpétuant la Guerre froide.
Une présentation caricaturale de l’Union soviétique et des Russes
L’exagération du Rideau de fer
L’euphémisation du spatial militaire
Reprise des mythes et téléologie de l’exploration spatiale
Le spatial contribuerait au progrès technique
Le New Space serait l’avenir du spatial
L’exploration spatiale serait consensuelle
Une série de passionnés pleine d’anecdotes
191 STARGATE SG1
avec Anne Florence Quaireau

Anne Florence QUAIREAU
Anne-Florence Quaireau est professeure agrégée à l’UFR d’études anglophones de la Faculté de lettres de Sorbonne Université. Spécialiste du récit de voyage, elle a reçu le prix de la Société d’Étude de la Littérature de Voyage Anglophone (SELVA) pour sa thèse de doctorat. Une version remaniée de sa thèse, qui porte sur le récit que la proto-féministe Anna Jameson a publié de son voyage au Canada en 1838, est en préparation aux presses de Sorbonne Université. Elle a également co-écrit des ouvrages de préparation au concours du CAPES sur les thématiques du voyage et du parcours initiatique, et publié des articles sur le récit de voyage féminin.
Anne-Florence Quaireau, Le Féminin en partage : le voyage d’Anna Jameson au Canada (1836-1838), Sorbonne Université Presses, à paraître.
Anne-Florence Quaireau et Samia Ounoughi (dir.), “Exceptions and exceptionality in travel writing”, Studies in Travel Writing, 2021.
Laure Canadas, Jaine Chemmachery et Anne-Florence Quaireau, Voyages et migrations, « Clefs Concours », Neuilly, Atlande, 2020.
Grégory Albisson, Pierre-Alexandre Beylier et Anne-Florence Quaireau, L'Ici et l'Ailleurs, « Clefs Concours », Neuilly, Atlande, 2015.
Résumé épisode 191
Brève présentation de la série
1. À la croisée des genres : entre réalité et fiction
- De la science-fiction au récit de voyage : entre réalité et fiction
- Voyages dans l’espace, voyages dans le temps
- Motifs et mythes de l’histoire américaine
2. L'autre et le même
- colonialisme, animalisation et exotisation de l'autre
- Blanchité de Stargate: vision tronquée de l'humanité
3. L’ici et l’ailleurs
- « Armchair travellers » : s'évader à travers la porte des étoiles
- « Cosmic relief » (M. Degoute) : Évasion du quotidien et enjeux contemporains
4. Voyage et initiation
- Le voyage du héros
- La porte des étoiles comme renaissance
Bibliographie indicative sur Stargate :
Stan Beeler, “Stargate SG-1 and the Quest for the Perfect Science Fiction Premise”, dans J. P. Telotte (dir.), The Essential Science Fiction Television Reader, Lexington, University Press of Kentucky, 2008, p. 267-282.
Stan Beeler and Lisa Dickson, Reading Stargate SG-1, Londres, I.B. Tauris, 2006.
Mathias Degoute, “Cosmic Relief in the Stargate TV Series”, communication à la journée d’étude « Séries TV : Sens et motifs de la récurrence », Université Paris-Sorbonne, 15 septembre 2011.
Jan Johnson-Smith, American science fiction TV: Star Trek, Stargate and beyond, Londres, New York, I.B. Tauris, 2004.
Kim Louise Parrent, “Traveling Through the Iris: Re-producing Whiteness in Stargate SG-1”, Mémoire de MA, Université de Canterbury, 2010.
Jo Storm, Approaching the Possible: The World of Stargate SG1, Toronto, ECW Press, 2005.
192 BLACK MIRROR
avec Julie Escurignan et François Allard-Huver
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François ALLARD-HUVER
Dr. François ALLARD-HUVER
Maître de conférences en Sciences de l'Information et de la Communication
Co-Directeur du Département de Sciences de l'Information et de la Communication - Université de Lorraine, Nancy
Chercheur au Centre de Recherche sur les Médiations (CREM)
Co-Responsable de l'équipe de recherche Praxis, CREM
Secrétaire général de l'Académie des Controverses et de la Communication Sensible (ACCS)

Julie Escurignan
Julie Escurignan est enseignant-chercheur en Communication à l’Université Sorbonne Paris Nord. Elle détient un doctorat (PhD) en Communication et Médias de l’Université de Roehampton (Londres) et un Master en Communication du CELSA Sorbonne Université. Elle a conduit des projets de recherche sur les séries télévisées à l’Université du Texas à Austin et à l’Université du Nordland en Norvège, et a travaillé pour NBC Universal International à Londres. Ses travaux de recherche se centrent sur les fans de séries télévisées, et plus particulièrement sur l’expérience des fans transnationaux et sur les pratiques matérielles de fans. Sa thèse traite de l’expérience transmédiatique des fans transnationaux de Game of Thrones. Elle est l’auteur de plusieurs chapitres de livres sur des séries à succès telles que Game of Thrones et Black Mirror.
Résumé épisode 192
Black Mirror, retour sur un phénomène télévisuel
Qu'est-ce que Black Mirror ?
Pourquoi Black Mirror ?
Quels sont les thèmes abordés par cette série ?
Les mondes dystopiques de Black Mirror
Quelles sont les dérives technologiques présentées par la série ?
Technologie et société, mariage pour le malheur et pour le pire
Black Mirror et emprisonnement médiatique : le panopticon digital
De la dystopie à la réalité : Nosedive et la notation citoyenne en Chine
Retour sur l'épisode de Black Mirror, Nosedive
De la fiction à la réalité : l'application de Nosedive en Chine et ses conséquences
Conclusion : Black Mirror, un avenir sombre pour nos sociétés technologiques ?
Pour les références, les deux articles co-écrits par Julie Escurignan et François Allard-Huver :