EPISODES juillet 2020
30 THE CROWN avec Ioanis Deroide
31 HOLOCAUSTE avec Delphine Barré
32 PEOPLE Vs OJ SIMPSON avec Prisca Perani
33 SACRED GAMES avec Audrey Dugast
34 JOHN ADAMS avec Virginie Adane
35 MASTERS OF SEX avec Cécile Beghin
30 The Crown
Avec Ioanis Deroide

Ioanis DEROIDE
Ioanis Deroide est agrégé d'histoire et enseigne au lycée Léonard de Vinci à Levallois-Perret. Il est l'auteur de Dominer le monde : les séries historiques anglo-saxonnes (Vendémiaire, 2017) et L'Angleterre en séries : un siècle d'histoire britannique à travers trois séries cultes (Downton Abbey, Peaky Blinders, The Crown) (First, 2020). Il a également signé la préface du troisième tome de l'ouvrage collectif The Historians : Les séries TV décryptées par les historiens (Georg, 2020). Enfin, il est conseiller éditorial chez Armand Colin, où il a aidé à faire paraître des synthèses consacrées aux séries policières et aux séries de science-fiction.
Résumé épisode 30
1. The Crown : un blockbuster, produit phare de Netflix, un budget record, une série au succès mondial
2. Un biopic d'Elisabeth II fondé sur une interrogation principale : quelle femme est-on quand on est aussi une institution, en l'occurrence une reine d'Angleterre qui s'exprime peu, comme cela a été rappelé lors de son allocution du 5 avril ?
3. Une série qui explore donc l'intériorité d'une femme souveraine et deux types de relations interpersonnelles : les relations familiales, les relations avec les gouvernants (les 1ers ministres dont certains parmi les plus marquants du siècle : Churchill, Harold Wilson et dans la prochaine saison, Margaret Thatcher) qui sont à l'origine de l'intérêt de Peter Morgan pour Elisabeth II (The Audience).
4. Choisir Elisabeth II comme sujet présente plusieurs avantages :
- un très long règne (68 ans) qui permet de couvrir une longue période historique marquée par l'après-guerre, la décolonisation, des mutations économiques importantes
- une grande notoriété qui peut parler à une audience mondiale, cette notoriété s'expliquant en partie par la montée en puissance des médias dans les sociétés occidentales elle-même appuyée sur des innovations techniques et éditoriales (la photo couleur, le format magazine, la télévision)
- une vie privée secrète (en comparaison de sa notoriété), qui ouvre des espaces pour la fiction, parfois en prenant appui sur un fait avéré mais isolé (ex : la dispute entre Elizabeth et Philip dans l'épisode 1.8) et en lui inventant un contexte, en l'incluant dans une storyline. C'est de la mise en intrigue.
5. Donc une série à la fois très fidèle dans certaines reconstitutions et très libre dans certaines inventions
D'un côté, on engage des moyens pour reconstituer avec un soin maniaque la robe de couronnement ou certains intérieurs de palais, de l'autre on réécrit sans états d'âme le discours de Churchill au moment du grand smog de Londres en 1952 ou celui de Charles au moment de son investiture comme Prince de Galles en 1969
6. Un rythme narratif particulier, qui parcourt le règne en se concentrant sur quelques moments forts, où grande et petite histoire doivent à chaque fois se rencontrer, faire écho l'une à l'autre. Ex : le déclin du Royaume-Uni, autrefois puissance pionnière en termes de découvertes et d'explorations, rendu manifeste par l'exploit américain du 1er homme sur la lune en août 1969, est exprimé à l'échelle individuelle par l'insatisfaction de Philip, déçu de ne pas s'être accompli comme il l'aurait voulu.
7. L'ambition de couvrir plusieurs décennies conduit à changer les interprètes toutes les deux saisons, interprètes particulièrement loués pour leur talent : "qualité britannique"
8. Plus largement, on est dans la fiction patrimoniale (heritage), très représentée dans les séries britanniques et notamment ces dernières années : Downton Abbey, etc. Vision conservatrice, nostalgie, sentiment du déclin (géopolitique, économique). Le Royaume-Uni puissance secondaire.
9. C'est une histoire vue d'en-haut, et même de tout en haut, d'où le peuple est absent (et même la société en général) et qui est en un sens très classique : on suit la chronologie des gouvernements, des premiers ministres
10. Mais la série s'inscrit dans un questionnement féministe (comme beaucoup de séries historiques anglaises) et dispose avec Elisabeth II d'une étude de cas très riche : une femme monarque mais sans pouvoir politique, qui évolue dans un monde d'hommes mais qui demeure alors qu'ils ne font que passer, qui incarne une certaine modernité mais en même temps est la garante des traditions. De nombreuses séries historiques contemporaines (britanniques mais pas seulement) mettent en relation femmes et pouvoir en posant la question de l'émancipation (Downton Abbey, Call the Midwife, Poldark, Harlots, etc), The Crown le fait en posant la question de l'institution.
L'attachement renforcé des Britanniques envers leur reine en ces temps de remise en cause et de grande incertitude (Brexit, crise sanitaire) et dans une moindre mesure de secousses internes à la famille royale (secousses dont elles est coutumière) : retrait du prince Harry, implication du prince Andrew dans l'affaire Jeffrey Epstein.
Bibliographie sélective :
en français :
François-Charles Mougel, Une histoire du Royaume-Uni de 1900 à nos jours, Perrin, 2014.
en anglais :
Robert Lacey, Monarch, The life and reign of Elizabeth II, Free Press, 2002.
Ben Pimlott, The Queen : Elizabeth II and the Monarchy, HarperPress, 1996, rééd° 2012
David Childs, Britain since 1945 : A Political History, Routledge, 7e édition, 2012.
31 HOLOCAUSTE
Avec Delphine Barré

Delphine BARRE
Dephine Barré est coordinatrice des activités pédagogiques au Mémorial de la Shoah. Elle est ausssi doctorante à l'Université Paris Ouest Nanterre et en cotutelle avec l'Université Ben Gourion du Néguev (Israël), ses recherches portent sur les trajectoires et engagements des femmes Juives à Paris pendant la Seconde Guerre Mondiale et la Shoah. Elle a publié deux articles en 2019, et elle intervient régulièrement lors de colloques scientifiques en France et à l'étranger. Elle est enfin chargée de cours à Sciences Po Paris ainsi que membre du séminaires des Etudes Juives à l'ENS Paris.
Résumé épisode 31
Présentation générale de la série et de sa diffusion :
Série produite par la chaîne NBC aux États-Unis, dont le réalisateur est un juif américain (Marvin Chmosky) où elle est diffusée en 1978 sur trois soirées, du 16 au 19/04 et suivie par 100 millions de téléspectateurs.
Le postulat de départ est de raconter l’histoire du Troisième Reich à travers le point de vue des acteurs et notamment des victimes, avec au cœur de l’intrigue le destin de divers membres de la famille Weiss.
Joseph : médecin à Berlin, victime des lois antijuives, avec sa femme Bertha
Les enfants : Karl, ainé et artiste, marié à une non juive Inga (interprétée par Meryl Streep), Hannah, et le cadet Rudy.
À travers cette famille moyenne, le public peut s’identifier au destin de ces personnes. La charge émotionnelle est beaucoup plus forte que celle des documentaires ou des livres d’histoires jusqu’alors proposés, émanant majoritairement de figure universitaires et donc peu grand public, caractérisant de ce qui a été appelé ensuite « le syndrome Holocauste ».
L’autre protagoniste du film, Erik Dorf, un juriste au chômage au départ apolitique qui devient membre de la SS et un exécutant sadique de la Solution finale ; il s’agit alors ici de montrer ce qu’Hannah Arendt a développé dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem en 1961 autour du concept de la banalité du mal : tout le monde peut devenir un rouage d’un régime criminel et se transformer en bourreau.
Deux problématiques centrales y sont alors abordées :
l’attitude des Juifs face au projet génocidaire
la métamorphose d’un allemand ordinaire en nazi fanatique et bourreau volontaire
Le développement sous forme d’épisodes (4 au total : La montée des ténèbres, la route de Babi Yar, la solution finale et les rescapés) permet également au spectateur de percevoir la logique chronologique des évènements (toutes les grandes dates de 1933 à 1945 sont abordées ainsi que des évènements clés et très connus dans la compréhension de la Solution Finale : ex Nuit de Cristal, Babi Yar) mais de souligner aussi la part d’improvisation des autorités dans l’édification du processus d’anéantissement.
Incarner l’histoire de la Shoah : Famille Weiss et Famille Dorf
La famille Weiss, choisie comme incarnation de ce qui fut le destin de millions d’autres familles ou individus pendant la Shoah n’est pas anodin. Issue de la classe aisée berlinoise, unie, assimilée à la nation allemande, elle demeure un choix consensuel de la part des réalisateurs, n’étant en rien représentative de la population juive européenne, et plutôt proche de l’idéal familial américain dans les années 1970.
Chaque membre de la famille a un rôle très précis au service de l’intrigue de la série : Karl, déporté à Terezin, se veut témoin des camps, Bertha et Joseph (les parents) ainsi que l’oncle Moïse, pris au piège dans le ghetto de Varsovie en intègrent la résistance intérieure, tandis que le plus jeune Rudy se veut l’un des meneurs de la révolte du centre de mise à mort de Sobibor. Seule la cadette Hannah, gazée dans le cadre du programme T4, disparaît dès la fin du premier épisode mais est intéressante également dans l’évocation du processus d’euthanasie perpétré par le IIIe Reich.
Cependant, dans les camps de concentration, dans les ghettos, ou même dans les centres de mise à mort, le comportement des différents membres de la famille Weiss se veut exemplaire : il s’agit alors de contrer l’idée parfois répandue et émanant des nazis eux mêmes que les Juifs se sont laissés mener à l’abattoir comme des moutons, et n’ont jamais opposé aucune résistance face au processus d’anéantissement. L’exemplarité des Weiss et leur volonté de s’opposer à l’apparente fatalité de leur destin, ne les réduit plus au seul statut de victimes mais à celui de résistants.
Or, au delà de la simplification que suppose l’incarnation du destin des Juifs d’Europe au travers de la famille Weiss, s’opère aussi un processus de massification ou d’homogénéisation des Juifs dans la série, argument utilisé dans la perspective sioniste et qui condamne le Juifs diasporiques à la posture de seules victimes. -> exemple des scènes de violence (fusillades à Babi Yar ou gazage à Auschwitz) où les victimes, totalement passives, très souvent représentées par des figures masculines, obtempèrent aux ordres des SS sans opposer la moindre résistance, physique ou orale. La dimension manichéenne présentée dans la série ne donne ainsi pas à voir cette « zone grise » et la variété des comportements, qui ne peuvent se résumer à l’opposition résistants/victimes, trop souvent mise en avant dans le contexte historiographique des années d’immédiat après guerre.
La scène finale, où l’on voit Rudy (dernier survivant de la famille Weiss) intégrer une organisation juive afin de convoyer des enfants juifs rescapés en Palestine témoigne ici encore de l’importance du happy end pour le spectateur américain, de même pour le téléspectateur français. Or, il est intéressant de noter que cette scène finale fut coupée dans la version allemande de la série.
L’autre famille, avec comme personnage principal Erik Dorff, tend elle à montrer comment des allemands ordinaires se sont transformés en génocidaires ou ont participé au processus, mettant ainsi en avant le postulat qu’en chacun de nous se cache une part de monstruosité. Pas à pas, le spectateur assiste à sa transformation de juriste au chômage, peu sûr de lui et plutôt docile, devant s’occuper de ses enfants et de sa femme Martha, malade. Le personnage de cette dernière est à cet effet très intéressant en ce que c’est elle qui présente à son mari une connaissance du parti nazi, et se trouve donc à l’origine de la transformation de son époux et du sort de la famille.
Celui ci, au fil des minutes, en en présence de différentes autres figures de la Solution Finale (Heydrich, Kaltenbrunner, Eichmann, Höss, Himmler, ce qui dans les faits aurait été totalement impossible) devient un élément moteur de l’organisation du génocide. Il suggère à ses responsables des idées ou des solutions, et se voit promu au sein de l’administration nazie, comme lors de son entrevue avec Heydrich suite à la Nuit de Cristal.
Ces séquences sont alors ponctuées d’images d’archives (que l’on ne retrouve pas lors des séquences attachées à la famille Weiss) comme le film projeté par Erik à Heydrich portant sur l’exécution d’hommes Juifs à Liepaja. Aucune indication n’est donnée, et se mêlent sans distinction des photographies relatives aux fusillades en plein air, des images de la libération des camps, et des photos relatives à l’arrivée des Hongrois à Auschwitz (issues de l’album de Lily Jacob).
De même lors des échanges entre Erik et ses responsables, le vocabulaire utilisé reprend la terminologie nazie et l’usage de termes propres à la déshumanisation sans distinguer les spécificités de chaque lieu ou évènement: citer l’échange
Un grand retentissement lors de la diffusion et une adaptation au public européen :
Entre la diffusion de la série aux USA puis notamment ensuite en Allemagne et en France, il est important de souligner des différences tant dans l’aspect structurel de la série (ex de la scène finale coupée pour la TV allemande) que dans la préparation en amont à la diffusion télévisuelle.
28 pays achetèrent les droits de diffusion, nous reviendrons principalement sur trois d’entre eux : les USA, l’Allemagne et la France.
Aux USA, la série demeure l’un des meilleurs « succès » audiovisuels de l’époque d’une oeuvre de fiction diffusée pour un large public. 100 millions de téléspectateurs sur les trois jours de diffusion.
Au préalable, de grandes organisations juives soutiendront le projet et permettront sa large promotion, telle que l’American Jewish Comitee qui assurera la publication d’un guide d’étude aux téléspectateurs, ou encore l’Anti Defamation League, qui à l’aide de son journal The Record, annoncera la programmation de la série à la télévision. Cependant, des voix s’élèvent pour dénoncer la vision biaisée présentée par le réalisateur, l’exemple le plus connu étant Elie Wiesel, lui même rescapé d’Auschwitz qui publia une tribune dans le New York Times le 16/04/78, dénonçant l’aspect marketing d’un sujet tel que l’Holocauste. Cependant, la série recevra 8 Emmy Awards en 1978 et 2 Golden Globe l’année suivante, témoignage de sa portée et de son impact auprès du public américain.
En Allemagne, à une époque où la télé privée n’existe pas, la série réalise des taux d’audience impressionnants : jusqu’à 40 % d’écoute et plus de vingt millions de spectateurs lors de la diffusion du 22 au 26/01/79. On avait beaucoup parlé, surtout depuis les années 60 des bourreaux ; cette fois les victimes sont au cœur d’un film qui bouleverse et atteint un grand public contrairement aux livres d’historiens. Plus de 20 000 personnes appellent dans les émissions télé qui suivent la diffusion, l’ARD reçoit des caisses de lettres. D’anciens soldats témoignent et parlent enfin des massacres de juifs commis sur le front Est par l’armée allemande. Les plus jeunes commencent à interroger leur famille, se demandant si leur père avait pu prendre part aux évènements, comme Erik Dorf, le SS de la série ou si une autre famille Weiss habitait dans leur immeuble et a subi le même sort que celle de la série. Le magazine Der Spiegel parle d’une catharsis, véritable libération de la parole dans la société allemande tandis qu’une petite minorité dénonce une série qui souille l’Allemagne et nie la responsabilité du pays dans l’holocauste.
La chaîne WDR assura elle aussi la promotion de la série, par le biais de la production de 2 documentaires, ainsi que la publication du grand quotidien allemand Die Zeit d’un dossier historique laissant place à la parole des témoins et victimes de l’évènement. La polémique autour de la série tourna ici autour de la différence entre la version allemande et la version originale. L’épisode final se voit en effet remplacé par la scène où Kurt dénonce la passivité des allemands face au génocide. Ceci fut alors justifié par la nécessaire interrogation et introspection que devait susciter la série auprès des téléspectateurs, bien plus efficace que la fin initialement prévue. De même, l’inversion de certaines séquences dans les épisodes devait répondre aux enjeux sociaux de la société allemande de la fin des années 1970, gangrenée par la montée de l’antisémitisme et la visibilité accrue des mouvements et discours de l’extrême droite.
La série Holocauste en Allemagne est donc pleinement perçue et présentée comme un outil pédagogique, dimension moins présente pour le public américain, expliquant en partie son succès de l’époque : entre 10 et 13 millions de téléspectateurs, soit un audimat entre 30 et 40%. Les sondages réalisés suite à la diffusion montre une forme de prise de conscience : 80% ont discuté du sujet avec leur entourage, 51% se sont enrichis d’une connaissance sur le sujet qui leur faisait défaut. Citons tout de même que 40% des interrogés avancèrent que qu’il valait mieux oublier cette page de l’Histoire.
En France enfin, la diffusion de la série s’avéra bien plus compliquée que dans les autres pays.
Le contexte des années 1970 voit en effet la résurgence de grandes figures de l’antisémitisme (interview de Darquier de Pellepoix dans l’Express en 1978) comme de l’émergence du négationnisme dans la sphère publique (Robert Faurisson). La diffusion de la série s’avère alors nécessaire et considérée comme une riposte face aux discours de haine. Cependant, l’élection de la première assemblée européenne en 1979 fait craindre aux dirigeants une instrumentalisation de la série contre le rapprochement franco-allemand. De plus, la série est néanmoins boudée par les responsables du paysage audiovisuel français, limité alors à TF1, A2 et FR3, proclamée trop chère, disent-ils en substance. L'affaire remonte jusqu'à l'Assemblée nationale, où Simone Veil, ministre de la Santé et rescapée des camps de la mort, insiste pour que le programme soit diffusé.
Finalement, la série sera diffusée du 13 février au 6 mars 1979, après 5 mois de polémiques, avec la diffusion en sus d’une « dossier de l’écran » intitulé Vie et Mort dans les camps nazis, là encore faisant état de la dimension pédagogique et didactique de la série auprès du public français.
-> intervention de Simone Veil lors des dossiers de l’écran du 6/3/79 : https://www.ina.fr/video/I04342602 (3min52) : abordant la dimension du devoir de mémoire mais aussi l’irreprésentabilité de la Shoah et de l’expérience singulière des déportés.
Holocauste, et la construction de l’histoire et de la mémoire de la Shoah :
La série Holocauste amena également un débat au sein de la communauté des historiens, et permis de pointer le manque de visibilité des travaux historiques autour de la Shoah, qui pourtant tendaient à se multiplier significativement depuis le début des années 1970, en France comme à l’étranger. Holocauste permis ainsi au public de se figurer quelles avaient pu être les expériences des victimes, rendant accessible ce que la communauté scientifique ne parvenaient pas à toucher le plus grand nombre. À cette époque, les documentaires traitaient de faits et de chiffres et, dans les années 1960, le débat était principalement axé sur les auteurs (les bourreaux), dont certains avaient été déclenchés par les procès d’Auschwitz à Francfort entre 1963 et 1965.
“Les survivants sont venus aux procès d’Auschwitz, et les journalistes ne les ont même pas interviewés, et personne ne s’est intéressé aux victimes, ce qui a changé avec Holocauste (la série télévisée)”, selon le professeur Prof. Frank Bösch, historien.
De même, dans le débat historiographie émergeant autour de la prise ou non de décision planifiée et datée du génocide (débat entre fonctionnalistes et intentionnalistes), la série se veut partie prenante de ces questionnements, et pose le postulat d’une approche fonctionnaliste. La Shoah y est montrée comme une processus mouvant soumis aux décisions des dirigeants et des instances nazies et non pas comme un plan prédéterminé dans l’esprit d’Hitler. (ex de l’échange entre Erich et Heydrich). De même, Hitler n’apparaît pas dans les épisodes de la série, alors que les principaux artisans de la Solution Finale y sont représentés : Heydrich, Eichmann, Frank, Höss, Kaltenbrunner, ainsi que les enjeux de pouvoir qui furent partie intégrante de l’appareil nazi.
Conclusion :
Holocaust, pour toutes les raisons évoquées, constitue bien une bascule et un moment crucial dans la construction de la mémoire de la Shoah en Europe. La question de la représentation de l’évènement se reposera quelques années plus tard avec acuité, lors de la sortie au cinéma du film La liste de Schindler de Steven Spielberg en 1999 puis la tribune de Claude Lanzmann, qui apportera lui même, comme réponse à ces polémiques, son oeuvre magistrale Shoah en 1985.
Rediffusée à la télévision française en 2019, cette série, bien que souffrant de lacunes, tant la recherche a pu combler des vides historiques depuis 1979, n’en demeure pas moins un outil qui reste essentiel, à l’heure où selon un sondage, un jeune sur quatre n’aurait jamais entendu parler de la Shoah.
Bibliographie sélective :
Julie MAECK, Montrer la Shoah à la télévision: de 1960 à nos jours, Paris, Nouveau Monde Ed., 2009
Ophir LEVY, Images clandestines: Métamorphoses d'une mémoire visuelle des « camps », Paris, Hermann, 2016
Georges DIDI HUBERMAN, Images malgré tout, Paris, Ed.de Minuit, 2003
Coll., Revue d'Histoire de la shoah n°195, Les écrans de la shoah : La shoah au regard du cinéma, Calmann-Lévy, 2011.
32 People Vs OJ Simpson
Avec Prisca Perani

Prisca PERANI
Prisca Perani est agrégée d’anglais, et enseigne la civilisation américaine à l’UFR Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Reims Champagne Ardenne.
Résumé épisode 32
Présentation de la série
Expliquer le concept (cf American Horror Story, series d’anthologie) mais aussi l’ancrage dans le regain d’intéret pour le “true crime” et les années 90 – en ce moment, engouement du public pour toutes ces affaires, que ce soit via des docs Netflix (Making a murderer, doc sur l’affaire JonBennett, etc) ou des series (Law and Order True Crime sur les frères Menendez) + côté madeleine de Proust, les gens qui ont vécu les 90s ont une appétence pour cette période, et les plus jeunes apprécient de la découvrir
Écrit par Scott Alexander et Larry Karaszewski (Larry Flynt, Man on the Moon, Ed Wood), produit par Brad Falchuk et Ryan Murphy (Nip/Tuck, Glee, American Horror Story, Pose, Hollywood), Nina Jacobson (Hunger Games). Qq mots sur Ryan Murphy en particulier.
Ryan Murphy réalise les 2 premiers épisodes, l’épisode sur Marcia Clark, et le dernier. John Singleton (Boyz in the hood) réalise l’épisode centré sur la question raciale. Les 5 autres sont réalisés par Anthony Hemingway, réal afro-US qui a dirigé pls épisodes de Treme.
Tiré d’un livre de Jeffrey Toobin (consultant sur la série et crédité comme scénariste)
Diffusée au printemps 2016 sur FX (pdt la campagne électorale, en plein mouvement BLM – Ferguson 2014). 10 épisodes.
Succès d’audience : 7,5 millions de spectateurs par épisode en moyenne + succès critique : 8 Emmy Awards (dont meilleure mini-série, prix pour Sarah Paulson, Sterling K Brown, Courtney B Vance), 2 Golden Globes (meilleure mini série, Sarah Paulson), entre autres dizaines de nominations.
Dire qq mots sur l’affaire en elle-même – les faits, qu’est-ce qui s’est passé (qui était OJ, le double meurtre, procès fleuve, « procès du siècle », acquittement, perçu de façon diamétralement opposée selon qu’on était noir ou blanc. Histoire qui peut avoir l’air d’un « simple fait divers » à première vue, mais est devenue un référendum sur le LAPD + regroupe tous les thèmes de l’Amérique des 90s + tous les thèmes de l’Amérique d’aujourd’hui => de fait ultra contemporain. Peinture de Los Angeles, et au délà, de l’Amérique. Cette affaire reste donc pertinente, même 20 ans après les faits. Intéressant car public potentiellement double : les jeunes qui ne connaissent pas cette histoire ou très peu, et les plus vieux qui en ont des souvenirs très précis. Intéressant de jeter un regard rétrospectif sur cette affaire, de la revisiter, et de constater qu’on en a pas forcément la même lecture aujourd’hui.
Puis qq mots sur la série : comment elle traite cette affaire. Pas juste du « true crime », elle développe un angle, même plusieurs, un point de vue.
Thèmes : comment/pourquoi les Blancs et les Noirs ont une lecture différente des faits ? (Jeffrey Toobin : « c’est une bande annonce de 10h pour BLM, qui nous explique pourquoi on en est là aujourd’hui). Violences policières racistes, corruption policière. Questions de race/classe. Sexisme. Violences conjugales. Système judiciaire US. Début de la « peopolisation » de l’information, de l’hystérisation médiatique, de la télé réalité (Cops 1989, The Real World 1992), de l’infotainment
Ton choisi : drame et satire, avec des moments de comédie pour alléger l’ensemble. Point de vue choisi : pas celui des victimes (on n’est pas dans le « true crime » au sens fait divers/recherche de la vérité, mais dans ce que cette affaire raconte de l’Amérique)
Soit ensuite on peut directement dérouler les différents thèmes, soit je peux faire un focus sur l’épisode pilote, puis dérouler les thèmes.
1er épisode : From the ashes of tragedy
Ici le pilote vise à accrocher le spectateur et à planter le décor et les personnages. Nous allons découvrir les personnages directement après les meurtres et la découverte des corps, donc on découvre les personnages au fur et à mesure.
Néanmoins un background thématique apparait d’entrée : car démarre directement par les images d’archives du passage à tabac de Rodney King passé à tabac. Un spectateur américain reconnait immédiatement ces images. Puis montage avec des images d’archives des émeutes + bande son d’époque (journalistes, Rodney King lui-même appelant au calme). Puis bandeau « 2 ans après ». D’emblée Ryan Murphy vient donc signifier de manière très nette le lien entre ces événements et l’histoire qui va être racontée. Si les meurtres n’ont aucun rapport avec l’affaire Rodney King et les émeutes de 92, il est impossible de détacher le traitement de l’affaire, et le procès, de ce contexte.
En termes d’ambiance, ce pilote se regarde d’une traite quasi sans respirer. La caméra est nerveuse, tout du long, caméra à l’épaule, travellings puissants, plans séquences, des caméras qui tournent autour des personnages, cela ajoute à la tension nerveuse (avec la bande son très prenante également). C’est une heure qui passe très vite.
Eléments thématiques plantés dès le premier épisode :
- le statut de star de OJ Simpson (plans sur ses trophées, policiers impressionnés d’avoir affaire à lui, on fait mention de ses réseaux parmi les puissants) qui fait
- le cirque médiatique qui se met en place quasi immédiatement (télévisions, cameramen)
- la question du racisme de la police (via une courte séquence montrant des animateurs d’une émission radio noire + via l’évocation d’une affaire de bavure policière à l’époque, traitée par un des futurs avocats de Simpson)
- le côté « bling bling » de LA (là on y voit aussi la patte Ryan Murphy car il a une appétence pour l’exubérance) – bcp de name dropping, costumes et intérieurs typiques des classes aisées des années 90, plus qq personnages un peu « over the top » au niveau costumes (Faye Resnick, Kris Kardashian), utilisation des filles Kardashian qui n’ont rien à voir avec l’histoire mais qu’il ne pouvait pas manquer en raison de leur statut actuel – permet un lien avec les figures de pop culturel actuelle (et qui sont en qq sorte les héritières de ces nouveaux croisements entre célébrité/argent/médias). Elles ne sont présentes que par touches mais cela permet de créer une parenté plus directe.
Introduction des personnages
- OJ : protagoniste principal mais au final pas forcément le personnage principal de la série. Il reste un mystère autour du personnage tout au long de la série car la série ne cherche pas à se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence. Personnage haut en couleurs, émotionnellement instable, un peu exubérant, qui met un certain temps à comprendre qu’on puisse lui reprocher qq chose. Son état est-il dû au choc du décès ou au choc d’avoir commis un meurtre ? S’il peine à réaliser la gravité de la situation, c’est parce qu’il est innocent ou parce qu’il se croit intouchable ? Le comédien est tout en nuance, oscille entre les regards inquiétants et les sourires innocents, il est difficile de se prononcer sur le personnage.
- Marcia Clark : substitut du procureur qui va mener l’accusation et qui, on le verra, va retenir l’attention des medias et de l’opinion publique. On verra que la série va vraiment organiser une réhabilitation du personnage qui a l’époque avait été trainée dans la boue pendant des mois. Dans le pilote elle est présentée comme une femme en instance de divorce, gérant tant bien que mal ses deux enfants, tout en gérant un dossier énorme au niveau professionnel. C’est typiquement la femme qui essaie de gérer les deux fronts seule, qui est en empathie avec la victime surtout quand elle réalise que tout l’historique de violence domestique n’a débouché sur rien (« the system failed her »), et se forge très rapidement la conviction qu’il est coupable
- Johnnie Cochran : futur avocat de Simpson, il est présenté d’emblée comme un symbole de réussite et de réussite noire (1er plan sur un dressing débordant de costumes de couturiers, il cite ses liens avec Michael Jackson en passant) mais aussi comme qqn d’impliqué avec la communauté – il est l’avocat de la famille Taylor (femme tuée par la police dans des circonstances très douteuses) « sometimes money is the only way to get justice »
- Christopher Darden : jeune substitut noir dans un bureau blanc, qui se retrouvera au 1er plan du procès, il est introduit en miroir de Cochran : ils ont une relation mentor/disciple, Cochran se bat pour la famille Taylor et Darden se désole de son incapacité à poursuivre les policiers impliqués. « Choose a side ! » s’énerve Cochran. Il est donc sous-entendu que Darden serait un traitre à sa communauté, en qq sorte.
C’est le début de cette relation en miroir qui va devenir de plus en plus conflictuelle et qui illustre qq part les deux approches qui historiquement ont traversé la communauté noire. L’approche que l’on peut qualifier de légitimiste, qui consiste à essayer de changer la société de l’interieur, par ses propres outils versus approche plus frontale. (Cochran indique dans une scène qu’il a essayé de changer le système de l’intérieur mais que c’est une impasse)
Historiquement on l’a dès la fin du 19ème, entre Booker T Washington qui prône « l’accommodement » (Compromis d’Atlanta 1895) vs WEB Du Bois, plus tard l’approche Martin Luther King vs Malcolm X (oppositions artificielles bien sûr, il s’agit plutôt d’approches complémentaires). L’affrontement Cochran/Darden va être développé tout au long de la série à mesure que leur relation mentor/disciple devient une relation d’affrontement direct, Cochran reprochant à Darden sans le dire explicitement d’être en qq sorte un « oncle Tom », de servir le système blanc, là où Darden estime lui être là pour dire le droit et la justice
- Bob Shapiro : 1er avocat joint par OJ, avocat des stars (d’emblée il cite Marlon Brando – triste affaire à l’époque avec ses enfants – Christian Brando ayant assassiné le compagnon de Cheyenne, sa sœur). Interprétation impressionnante de John Travolta.
- Robert Kardashian : meilleur ami de OJ. Patronyme fort connu comme chacun sait aujourd’hui (même si lui n’aura jamais connu tout ça puisque décédé en 2003), il est en qq sorte le compas moral de la série. Ami fidèle, on le voit être peu à peu rongé par le doute au fur et à mesure que les pièces à charge s’accumulent.
A la fin de l’épisode, Marcia Clark prononce le mot fiasco : déjà pls erreurs ont été commises (1er interrogatoire raté car les policiers sont trop impressionnés par OJ pour le pousser un peu, l’arrestation qui se transforme en reddition puis en fuite). On va donc voir au fil des épisodes un dossier qui devrait être gagné d’avance pour l’accusation se déliter et devenir un fiasco pour le bureau du procureur. CAR The People versus OJ Simpson car le bureau du procureur est censé représenter le peuple, il poursuit et accuse au nom de peuple. De plus, dans le système judiciaire US, c’est à lui que revient la charge de la preuve : il doit convaincre à l’unanimité un jury de 12 personnes au-delà du doute raisonnable.
THEMES
LA QUESTION RACIALE/LAPD
Complètement centrale, c’est l’angle choisi en premier lieu par les auteurs mais parce qu’il ne pouvait en être autrement. Cette affaire a été complètement lue/comprise/ressentie différemment selon qu’on était blanc ou noir – l’ultra majorité des Blancs le pensant coupable, l’ultra majorité des Noirs pensent l’inverse, mais surtout les Blancs n’ont pas compris que les Noirs puissent avoir une lecture différente. Bcp sont tombés des nues à l’époque sur les manifestations de joie à l’énonce du verdict dans les quartiers noirs. Et donc un point sur lequel la série brille, c’est à nous faire comprendre d’où vient cette lecture différente, en nous donnant des grilles de lecture pour comprendre comment il était impossible de voir l’affaire de la même façon selon qu’on était blanc ou noir.
Cette grille de lecture est clairement mise en place dès la 1ère minute puisque la série démarre sur les images de Rodney King. Le scénario du conducteur noir arrêté sans raison puis subissant a minima des brimades est un scénario qui se répète indéfiniment depuis des décennies aux USA, et on a plusieurs rappels dans la série, en dehors de la référence directe à Rodney King : ainsi dans le 2ème épisode, Johnnie Cochran évoque à la télévision l’affaire Leonard Deadwyler, une de ses premières affaires, en 1966. Arrêté pour excès de vitesse alors qu’il emmenait sa femme accoucher, il est tué par la police. Cochran défendra sa famille mais les policiers furent relaxés. L’épisode 5 « The Race card » démarre par un flashback en 1982, Cochran et ses filles, en voiture, sont arrêtés sans raison (autre qu’être noir dans une grosse voiture et dans un quartier blanc) par la police. La situation escalade vite, mais Cochran est, ironie du sort, procureur.
Les relations entre les Noirs et le LAPD sont donc extrêmement conflictuelles, et depuis longtemps (cf émeutes de Watts en 1965) ; pour la communauté noire, le LAPD est raciste, vise particulièrement les personnes noires, exerce des violences sur elles, voire manipule les faits pour obtenir des condamnations (ce qui n’est pas une invention conspirationniste, cf commission Christopher en 91 et scandale Rampart en 1998). C’est Shapiro qui voit le premier l’opportunité de jouer cette carte au niveau stratégique, et c’est la raison pour laquelle il fait entrer Johnnie Cochran dans l’équipe de défense dans le 3ème épisode. Le procès ayant lieu à LA même, le plan est d’avoir le plus de noirs possibles dans le jury, afin d’instiller le doute sur une possible machination raciste. Ce plan sera d’autant plus facile à mettre en place qu’un des policiers clé de l’enquête est éminemment raciste, mais au début de la série, personne ne le sait encore. Un autre élément plus mineur mais qui marque les esprits est la couverture de Time Magazine qui fonce la peau d’OJ : pour bcp le racisme est à l’œuvre de manière évidente.
De plus, on voit très bien à quelle point l’équipe 100% blanche de l’accusation ne comprend pas cette dimension raciale – pour Marcia Clark, c’est une affaire simple de mari abusif qui tue sa femme, et il faudra l’intervention de Darden, noir, plus qq autres éléments, pour qu’elle prenne vraiment conscience du fossé qui sépare blancs et noirs dans cette affaire. Ils vont aller chercher Darden car ils vont se rendre compte qu’ils ont besoin de lui pour changer la perception que les jurés peuvent avoir de l’accusation
Le comble de l’ironie dans cette affaire étant que OJ Simpson ne veut au départ pas entrer dans cette stratégie, car comme il le dit « I’m not black, I’m OJ ! » Idée confirmée par Darden dans une scène où on le voit dans son quartier d’origine, discutant avec ses voisins, dire que OJ n’a jamais rien fait pour la communauté, il est devenu blanc. A quoi on lui rétorque qu’il est redevenu noir dès que la police s’est mise à lui courir après.
OJ Simpson c’est un homme qui a « transcendé sa race » de par son statut de superstar – quand on est au pinacle de la célébrité et du succès, votre couleur devient un non facteur dans la société américaine ; OJ Simpson est quelqu’un qui a bcp œuvré pour se fondre dans son environnement composé majoritairement de riches blancs, qui a en qq sorte essayé de faire oublier sa couleur, et qui sera paradoxalement sauvé par elle (cf l’épisode 5, « The race card »)
Une autre scène, dans l’épisode 5 est tout à fait frappant sur cette question. L’équipe de Cochran va redécorer la maison d’OJ (avant la visite des jurés) pour en qq sorte redonner de la « blackness » à l’environnement dans lequel vivait OJ : les photos de ses amis blancs, les photos ou peintures de femmes blanches sont remplacées par de l’art africain, des photos des amis noirs et de la famille + reproduction de la célèbre peinture de Norman Rockwell « The problem we all live with » (représentation de Ruby Bridges, 6 ans en 1960, entourée par 4 US marshals, sur le chemin de l’école) => afin de projeter une meilleure image, celle d’un OJ lié à sa communauté (ce qui n’était pas le cas) pour le jury qui est majoritairement noir. Il s’agit de cplt reconstruire l’image d’OJ Simpson, afin qu’elle corresponde à l’idéal de la réussite noire.
Un point plus délicat concerne la question des femmes noires ; Cochran se pose concrètement la question de savoir s’il serait judicieux qu’elles soient nombreuses parmi les jurés. Au début il pense que non (possibilité d’empathie avec la victime ou incapacité d’empathie avec OJ Simpson car il est en qq sorte considéré comme un traitre d’avoir épousé une blanche) mais réalise qu’à l’inverse, elles n’ont pas de sympathie pour la victime, qui est vue comme une arriviste ayant profité de l’argent d’OJ Simpson. Simple victim blaming ? ou alors, ce noir accusé d’avoir tué une blanche rejoue une partition jouée maintes et maintes fois : combien d’hommes noirs ont été lynchés, torturés, assassinés, parce qu’ils avaient été accusés d’avoir agressé une blanche, ou même de l’avoir juste regardée, ou de lui avoir adressé la parole (cf Emmett Till en 1955)
La question du N word est au cœur de l’épisode 5 – et va faire ensuite un retour fracassant dans l’épisode X – développer cette question importante du tabou autour du N word et de comment c’est traité dans la série
Mark Fuhrman…
FRENESIE MEDIATIQUE
Bronco chase
Badauds et curieux qui se massent partout et tout le temps
Kato qui vit son heure de gloire / Faye Resnick et son livre (annonce la real tv) : célébrité acquise juste par connexion
Fuites constantes à la presse
Passages chez Larry King, extraits télé, toute l’Amérique, blanche, noire, riche, pauvre, est pendue à cette affaire
Tabloids, presse de caniveau + info 24/7 qui est à l’époque un tout nouveau concept
SYSTEME JUDICIAIRE
Charge de la preuve à l’accusation : en raison du double jeopardy (5ème amendement) : ils ne peuvent pas se louper
Procès fleuve qui va durer des mois (janvier à octobre)
Processus hallucinant vue de France de sélection des jurés
La défense d’OJ Simpson est une défense que seul l’argent peut acheter. N’importe quel autre homme dans la même situation aurait été condamné relativement rapidement. C’est la stature de la star qui fait le procès fleuve, mais c’est son argent qui va acheter les meilleurs avocats prêts à batailler sur le moindre point de procédure. Bien évidemment qu’on ne peut qu’être frappé par les ressources dont les équipes disposent (il a 4 avocats « pointures » plus leurs équipes, ils peuvent organiser des sondages avec des faux jurés, etc
La question n’est pas tant celle des faits (car il « suffit » d’instiller un doute raisonnable) mais qui a la meilleure hsitoire à raconter, le meilleur récit
Question des jurés (épisode …)
SEXISME
Peu de femmes dans cette série, sauf une, jouée par l’actrice fétiche de Ryan Murphy. Marcia Clark a quasiment le role principal de cette série, du moins c’est mon ressenti mais qui est sans doute biaisé, ce qui procède quasiment d’une réhabilitation de Marcia Clark. A l’époque vilipendée, moquée, humiliée, trainée dans la boue – ce que la série ne manque pas de montrer.
Mais ce qui est fou c’est qu’à l’époque, très peu avaient vu que le sexisme était à l’œuvre. Les années 90 offraient un climat très différent pour les femmes (faire un parallèle avec Hillary Clinton).
Clark est une femme qui a une carrière mais une vie personnelle compliquée (elle vient à peine de demander le divorce, elle a deux enfants jeunes à gérer alors qu’elle doit gérer la plus grosse affaire jamais traitée par son bureau). Lors d’une étude avec un faux jury, elle réalise que les jurés ne l’aiment pas, ils la trouvent prétentieuse, hautaine, elle devrait changer de vetements, et de coiffure, et sourire plus…
Bibliographie sélective :
Jeffrey Toobin : The People vs OJ Simpson (1996)
Dominick Dunne: Another City, Not My Own (1997)
Marcia Clark: Without a doubt (1997)
Documentaires:
Let if fall: Los Angeles 1982-1992, de John Ridley (2017)
LA 92, de TJ Martin et Daniel Lindsay (2017)
OJ : Made in America, de Ezra Edelman (2016)
33 Sacred Games
Avec Audrey Dugast

Audrey DUGAST
Audrey Dugast, journaliste à Paris et spécialiste du cinéma indien, animatrice du podcast KitschParty qui explore la société indienne à travers son cinéma.
Résumé de l'épisode 33
Présentation de la série :
Sacred Games, ou Le seigneur de Bombay en version française, la première série indienne produite par Netflix. Adapté du roman éponyme publié en 2006 par l’auteur Vikram Chandra. C’est l’histoire croisée de deux personnages, Sartaj Singh, un policier moralement affaibli qui doute de son engagement, et de Ganesh Gaitonde, un gangster renommé qui fait son retour à Mumbai.
Après une absence de 25 ans, Ganesh Gaitonde, que beaucoup présumait mort, contacte Sartag Singh, dont il a connu le père. Il commence à lui raconter son histoire, puis lui annonce qu’il a 25 jours pour sauver Mumbai, avant de se suicider.
On suit alors pendant deux saisons leurs histoires, via deux timelines : d’un côté Sartaj Singh, qui tente de découvrir la menace qui plane sur la ville, et de l’autre Ganesh Gaitonde, qui continue de raconter son histoire, pour que l’on comprenne comment et pourquoi les événéments du présent se produisent.
Chaque segment est dirigé par deux réalisateurs différents. Anurag Kayshap, réalisateur reconnu notamment des films Dev D et Gangs of Wasseypur, qu’on connaît beaucoup en France car il est très présent à Cannes, et Vikramaditya Motwane, scénariste sur Dev D et producteur
On retrouve dans la série beaucoup de leurs acteurs et actrices fétiches, le plus marquant étant bien sûr Nawazuddin Siddiqui, qui interprète brillamment le gangster Ganesh Gaitonde, et qui a travaillé avec Kayshap sur de nombreux projets. (Gangs of Wasseypur)
I) Symbolisme : une étude des signes religieux de Sacred Games
A - La religion en Inde, rappels
La religion est le thème central de la série, elle est omniprésente et on comprend tout de suite où l’on met les pieds : “croyez-vous en dieu” est la première question que pose Ganesh Gaitonde à l’inspecteur, avant d’enchaîner sur “parfois je crois que je suis dieu”.
Cette présence n’est absolument pas étonnant quand on sait, qu’en Inde, la religion est absolument partout et a des incidences sur tous les aspects de la vie, que ce soit en politique, au travail, dans la culture, notamment au cinéma, ou dans la vie domestique.
En Inde, la religion dominante reste l’hindouisme, qui est à l’origine du système de caste et au sein de laquelle il existe de très nombreux courants, en fonction du culte rendu à telle ou telle divinité, comme Vishnu, Shiva ou encore la déesse Durga.
Il y a ensuite le sikhisme, le bouddhisme, le jaïnisme, le judaïsme ou encore le christianisme. Et bien sûr il y a l’islam, pratiquée par plus de 14% de la population, qui est la 2e religion du pays.
Dans la série, trois religions particulières sont exploitées : l’hindouisme, le sikhisme et l’islam.
Le sikhisme via l'inspecteur Sartaj Singh, dont le nom dit d’ailleurs beaucoup, Singh étant un nom de famille très porté au Punjab, dans le nord du pays, où se trouve le temple d’or d’Amritsar, un lieu majeur de pèlerinage pour les Sikhs, et qui est aussi le centre culturel et religieux de cette religion développée au 16e siècle.
L’hindouisme et l’islam ensuite sont les deux religions les plus pratiquées en Inde, mais ce sont deux religions dont les relations restent aujourd’hui très complexe, notamment à cause du traumatisme de la partition en 1947, cette division ethnique du sous-continent indien en deux pays, l’Inde et le Pakistan. Ce nouveau découpage avait entraîné le déplacement de millions de personnes, et des massacres qui marquent toujours la mémoire collective, il faut se dire que c’est un événement vraiment récent, il y a encore en vie aujourd’hui de nombreuses personnes qui ont vécu ces horreurs.
La série exploite cet antagonisme, qui régit aujourd’hui la politique intérieure indienne mais aussi sa politique étrangère, il y a une véritable guerre froide avec le Pakistan et si un musulman en Inde ose s’exprimer, on lui dit sans détour de retourner dans son pays.
B- Générique, titres et usage du mandala
Cet intérêt pour la religion est affichée immédiatement par les créateurs de la série, avec le générique, qui est une petite merveille. On a différentes images qui commencent à composer un mandala, une musique angoissante rythmée par des voix à la résonance religieuse, et plusieurs plans de différents lieux de culte, dont un temple hindou décoré de sculptures du dieu Rama, devenu le symbole des extrémistes hindous, ou le dôme intérieur d’une mosquée.
On peut ensuite entrevoir plusieurs célébrations hindous, des plans d’à peine une seconde qui montrent par exemple les pétards de Diwali, la fête de la lumière, ou encore le démon Ravana brûlé à l’occasion des célébrations de Navratri, qui célèbrent la victoire, de façon résumé, du bien sur le mal.
Mais les images qui marquent le plus, ce sont les extraits vidéos des événements qui ont bouleversé la ville de Bombay ces 30 dernières années. On voit au tout début un meeting de Rajiv Gandhi, qui fut premier ministre après la mort de sa mère, un peu plus connue chez nous, Indira et qui est mort assassiné en 1991 après sa politique de répression contre les indépendantistes tamouls du Sri Lanka.
Il n’a aucun lien avec Gandhi, mais c’est le petit-fils Nehru.
Puis au fur et à mesure que le générique avance, si on connaît un peu l’histoire de l’Inde, on comprend vraiment quelle importance va avoir la religion dans la série, car il y a des vidéos d’archives de L’ÉVÉNEMENT qui a marqué l’Inde dans les années 90, la destruction de la mosquée de Babri Masjid, et des attentats et des émeutes religieuses meurtrières qui ont touché Bombay en 1993 suite à cela.
§ Les mandalas : c’est le logo de la série, et chaque épisode est illustré par un mandala différent. ⇒ Dans l’hindouisme et le bouddhisme, ce sont des formes géographiques qui servent à célébrer des rites ou à méditer, sorte de carte de l’esprit. Chaque mandala est une représentation, une projection géographie de l’univers, un microcosme qui sert de réceptacles à diverses divinités. En Inde, on trouve beaucoup de mandalas dessinés à même le sol, des rangolis, ou on les appelle aussi des yantras, des mandalas qui représentent un aspect particulier du culte hindou, une divinité ou un mythe particulier, elle contient de grandes forces/énergies.
Dans la série, les mandalas sont omniprésents. Chaque épisode est en effet illustré par un mandala différent, en rapport avec l’histoire et le titre de l’épisode, On les retrouve aussi au sein même de la série, car ils sont une clé majeure pour comprendre la menace qui pèse sur Mumbai. L’inspecteur Sartaj Singh en découvre plusieurs pendant son enquête, qui le mènent à plusieurs découvertes, comme des pierres que Ganesh Gaitonde aurait semé pour l’aider. L’origine de ces mandalas est plus expliquée ans la saison 2 : ils sont en fait
liés à celui que Gaitonde appelle son troisième père, Guruji, le chef d’un ashram, d’une secte obscure qui ressemble beaucoup à la secte fondée par Bagwan Schree Rajneesh, dont l’histoire est racontée dans le documentaire Wild Wild Country sur Netflix. Si vous l’avez vu, la personnalité de Ma Anand Sheela, bras droit de Rajneesh, semble d’ailleurs avoir directement inspirée le personnage de Batya dans la série, interprétée par l’actrice franco-indienne Kalki Koechlin.
§ Le titre de chaque épisode est aussi une référence à un mythe religieux et est annonciateur de certains éléments de l’histoire. Ils peuvent être tirés de la mythologie hindou : le premier épisode s’intitule ainsi “Ashwathama”, ce qui fait référence à un légendaire guerrier dans le mahbharata, un des principaux textes sacrés de l’hindouisme. C’est un avatar du dieu shiva qui est immortel et dirige les simples mortels. Il est cependant l’objet d’une malédiction, et assiste à la mort de tous ceux qu’ils aiment.
C’est une façon d’introduire le personnage de Ganesh Gaitonde, qui lui aussi détient un certain pouvoir sur ses pairs, et se considère l’égal de Dieu. ⇒ premiers dialogues Et comme Ashwathama, il devra lui-aussi, tout au long de la série, assister à la mort des personnes qu’il a aimé, jusqu’à mettre fin à ses jours.
Dans la saison 2, les mandalas et les titres ne sont plus seulement tirés de l’hindouisme. Le sixième épisode sont en effet des références à d’autres cultures : il y a par exemple Azrael, ange de la mort chez les musulmans, les juifs et les sikhs. Les deux derniers épisodes dévient ensuite complètement de cette symbolique religieuse, sans pour autant trop s’en éloigner : il y a ainsi Radcliff, qui fait référence à la Radcliff Line, considérée comme la frontière qui allait séparer l’Inde du Pakistan en 1947, et Torino, Turin en français, qui renvoie à la ville italienne. Alors ce dernier point peut paraître étonnant mais il s’explique en fait facilement : comme l’explique le magazine GQ, la ville a été construite à la confluence de deux rivières, le Po et la Dora, qui forment un Y. Cette forme est dite représentée la dualité du bien et du mal en l’homme, ce que vont justement expérimenté les deux personnages principaux dans l’épisode, qui vont devoir prendre des décisions difficiles.
On est donc immédiatement plongé dans un monde régi par la religion, qui a infiltré toutes les strates de la vie politique, tous les moeurs, et la relation des hommes au bien et au mal.
II) Le mystique et le spirituel, centre des destins
A- Désillusions et perte de foi
C’est donc un monde où tout est lié : il ne peut pas exister une de ces strates sans l’autre. C’est pourquoi on part d’un scénario somme toute très commun, un policier qui enquête pour contrer une attaque qui menace la souveraineté de son paus, pour évoluer vers un questionnement plus large autour de la place de la religion et des croyances.
La vie des deux personnages est donc naturellement auréolé d’une certaine aura mystique et d’une foi très instable. Prenons d’abord le personnage de Ganesh Gaitonde, très complexe. C’est la première chose que l’on remarque, il est nommé d’après le dieu à tête d’éléphant, Ganesh, et c’est loin d’être un hasard. Ganesh, c’est en effet le dieu qui met en relation l’humain et le divin, les choses matérielles et sacrées, qui place ou retire les obstacles de notre destin. Il est vénéré par plusieurs religions, l’hindouisme bien sûr, mais aussi les jains ou les bouddhistes.
Dans les premiers épisodes, Ganesh Gaitonde méprise la religion à cause de son père, un prêtre hindou faible, obligé de mendier pour nourrir sa famille. Il pense toutefois, plus l’intrigue avance, être l’équivalent d’un dieu, et même d’avoir toujours été dieu. ⇒ Gaitonde est et s’assimile à Dieu : il absorbe le pouvoir de ses ennemis déchus, règne sur son royaume, mais sait, quand il appelle Sartaj, qu’un dieu est faible : il est fait et défait par ceux qui le vénèrent. La religion : un monstre qui consume autant qu’il peut donner
Cette relation à la religion devient ensuite plus forte, car il devient impliqué en politique, et donc dans la religion, quand il rentre dans le jeu des extrémistes hindous pour affirmer son pouvoir. Il tue de sang froid un membre musulman de son gang, son ami, après avoir été trahi par son frère, et fait de Bunty, un jeune homme violent qui hait l’islam, son bras droit. Personnellement, Ganesh Gaitonde n’a rien contre les musulmans et ces attaques ne sont que le résultat d’une rivalité avec un autre gang, dont les membres sont musulmans. C’est plus pour lui une opportunité. Une rivalité somme toute extrêmement tragique pour cette communauté, car se transforme en véritable pogrom (ce qui s’est passé en réalité en inde, métaphore)
Mais plus il avance, plus il se demande si, véritablement, il est “dieu” : il tombe ainsi sous l’influence d’un gourou qui pendant un temps lui lave le cerveau, avant qu’il reprenne le pouvoir en le tuant en hurlant qu’il est le seul dieu possible, dans une scène de délire psychédélique. Il EST dieu : il gouverne, fait régner la peur, son gang lui voue une vénération sans faille, il a le pouvoir de vie et de mort.
Pour l’inspecteur Sartaj Singh, le cheminement est différent, car au départ, c’est un homme profondément religieux. Il est sikh et ne peut pas se défaire de cette identité pour se fondre dans la masse car les sikhs ont plusieurs signes distinctifs, ils n’ont pas le droit notamment de couper leurs cheveux
Le turban, ou “dastar” fait ainsi partie des cinq symboles qu’un sikh doit porter ou arborer. On retrouve aussi parmi ces symboles le Kara, un bracelet de fer, symbole de la foi et de l’attachement à Dieu. Dans la première saison, Sartaj Singh est ainsi très pieux, même si rien ne va dans sa vie, entre la fin de son mariage et un travail de policier miné par la corruption et l’omerta. Il ne comprend donc pas Ganesh Gaitonde, ils semblent être l’opposé l’un de l’autre. Mais plus l’enquête avance, plus l’inspecteur doit faire des choix qui mettent à mal sa conscience et sa foi est ébranlée.
Dans la saison 2, on assiste donc à une véritable implosion de ses croyances, car il comprend que le jeu dans lequel il est entré ne peut avoir aucun gagnant. La société indienne est rongée par la haine communautaire et ne peut, depuis 1947, guérir de ses traumatismes.
Il réalise notamment que son père, qu’il admirait tant, c’était un exemple moral pour lui, avait été proche de Ganesh Gaitonde au sein d’une secte, donc c’est un véritable bouleversement.
La fracture est finalement définitive lorsqu’il jette son Kara, son bracelet sacré, à la mer, et qu’il assiste impuissant au lynchage sanglant d’un jeune musulman après une partie de cricket.
⇒ à la fin, les deux personnages perdent leur foi. Il n’y a plus, il n’y a pas de dieu juste. Gaitonde réalise qu’il a été manipulé et trahi par la secte et que les dernières années de sa vie sont un mensonge. Aucun personnage, à la fin, n’est véritablement mieux qu’un autre. Dans ces jeux sacrés, il n’y a pas de règles, et une morale de plus en plus malléable, intenable parfois face à des choix complexes et des religions aliénantes. Aussi une forme de karma dans ces destinées : les deux personnages ont un sort qu’ils n’ont pas disons mérité, car il n’y a pas de bien et de mal, mais qui semblait s’écrire de façon irrévocable depuis leur naissance, depuis le début de la série.
B- Le pouvoir d’attraction des gourous
Un des personnages central pendant la saison 2 est un gourou. Son dessein n’est au départ pas très clair, mais on comprend tout de suite le pouvoir qu’il détient sur ses disciples, qu’il manipule à son aise et dont certains sont clairement des hommes de main.
Il prône, en quelque sorte, le changement d’ère. Cad qu’il y a quatre ères, quatre “yuga”, et selon lui, nous sommes dans le Kaliyuga mais il faudra atteindre le Sat Yuga, une ère dominée par les dieux et la vérité.
Son pouvoir d’influence est immense et il va complètement s’approprier Gaitonde en le soumettant indirectement à une torture physique et morale, avant de se faire passer pour son sauveur. Il détient un pouvoir au sein de la police, du cinéma, des instances politiques et commerciales qui lui permettent par exemple d’organiser un gigantesque trafic de drogue.
Tous ces pouvoirs, détenus par un gourou, une personne rattachée au religieux, peut étonner en France, mais en Inde, c’est assez commun. En effet, il n’est pas rare qu’un homme ou une femme politique fasse appel à ses services pour s’assurer la réussite. Dans la tradition hindou, le roi était d’ailleurs toujours accompagné d’un brahmane, qui fait partie de la caste la plus haute (c’est une caste religieuse) et qui était théoriquement, en quelque sorte, son cerveau, conseiller spirituel.
Ces dernières années, certains ne s’en sont pas cachés, comme Indira Gandhi, qui avait une relation très publique avec ses gourous pour conforter ses positions politiques, sa légitimité ⇒ mises en scènes des rencontres et bénédictions. Peuvent avoir divers but : soutien du monde spirituel/divin, soutien moral.
Un des gourous d’Indira Gandhi, Brahmachari, était par exemple toujours à ses côtés et était surnommé Raspoutine. Il conduisait une belle voiture et avait un jet privé offert par de généreux disciples.
III/Conclusion) La religion comme instrument politique : une critique
La série montre la politisation extrême de la religion qui est entamée dans les années 80 et le début d’un fanatisme religieux qui fait encore des dégâts très importants dans le pays, avec une polarisation hindous/musulmans et l’ascension au pouvoir de membres du BJP, un parti nationaliste dont est aujourd’hui issu Narendra Modi. L’idéologie du BJP est très simple et se base sur ce qu’on appelle l’Hindutva, l’idée selon laquelle pour être indien, il faudrait être hindou, il faudrait recréer l’Hindoustan. Cette idéologie ethnique a été théorisée pour la première fois en 1923 avant d’être reprise par le RSS, un mouvement paramilitaire nationaliste créé en 1925 et dont le BJP est aujourd’hui l’organe politique.
Les partisans de cette idéologie se voient comme des citoyens de seconde zone dans leur propre pays et affirment notamment que le mouvement du Jihad envahit “l’Hindustan” ; leur violence est donc une réponse à cette invasion. C’est ce qui s’est passé lors de la destruction de la mosquée de Babri Masjid, à Ayodhya, qui est un événement déterminant dans l’histoire de l’Inde et donc dans la série. En 1992, des nationalistes hindous affirment que le lieu où a été construit cette mosquée est en fait le lieu de naissance du dieu Rama. Après une dizaine d’années de campagne, la mosquée est finalement détruite au cours d’un rassemblement politique du BJP, ce qui a donné lieu à près de 6 semaines d’émeutes inter-communautaires, dont la série témoigne.
Cette islamophobie, et cette violence structurelle contre les musulmans est donc très représentée dans la série. On voit particulièrement bien l’instrumentalisation de ces enjeux communautaires par les partis, déclencher des émeutes et attiser la haine hindous/musulmans c’est en effet une façon très simple de gagner des voix aux élections. (une instrumentalisation facilitée aujourd’hui par le sentiment anti-musulman depuis 2001). Cette islamophobie entraîne cependant des comportements paradoxaux, comme on le voit dans la série : le collègue de l’inspecteur, Katekar, est un personnage attachant malgré ses failles. Il ne cache pas par exemple son mépris des musulmans mais idolâtre une actrice de Bollywood d’origine pakistanaise, ou encore il refuse pendant plusieurs épisodes de prendre la déposition d’une mère éplorée qui cherche son fils parce qu’elle porte une burqa, avant de se raviser et de devenir plus humain.
D’un autre côté, l’islamophobie est tellement présente que cela pousse certains à mettre de côtés leurs valeurs pour s’intégrer : c’est notamment le cas d’un autre collègue de
l’inspecteur, Majid Ali Khan, qui tente de faire oublier son nom en acceptant tout de son supérieur, c’est à dire qu’il ment pour lui devant la justice et espionne à son compte.
Cette hindouisation hypocrite de la société, si l’on peut dire, s’illustre d’ailleurs très bien par les séries télévisées mythologiques qui inondent les chaînes nationales indiennes depuis les années 80. La plus emblématique s’appelle Ramayan et a été diffusée en 1987-88. Donc en pleine campagne pour raser la mosquée de Babri Masji, on a cette série extrêmement populaire qui raconte l’exil de Rama de son lieu de naissance à Ayodhya, très commode. Cette série a d’ailleurs été rediffusée cette année pendant le confinement et les audiences ont explosé.
Il y a dans la série une certaine parodie/critique de ce genre de soap opéra religieux à travers l’histoire d’une jeune actrice et ancienne escort girl, qui incarne le rôle d’une déesse dans une série. Cette série est produite par un bras droit droit de Gaitonde, Bunty, qu’on a déjà évoqué pour sa haine violente des musulmans et qui considère la jeune femme comme sa propriété. Beaucoup de paradoxes donc qui montrent bien
⇒ sur le plan politique dans la série il y aurait beaucoup à dire mais je révélerais une grande partie de l’intrigue et c’est un tout autre angle
Bibliographie sélective :
ASSAYAG Jackie, La violence d’une partition inachevée. Nation, religion et politique en Asie du Sud, L’Homme, n°173, 2005, pp.159-176.
JAFFRELOT Christophe, Guru et politique en Inde. Des éminences grises à visage découvert ? , Politix, n°54, 2001, pp.75-94.
JAFFRELOT Christophe, Les violences entre hindous et musulmans au Gujarat en 2002 : émeutes d’État, pogromes et réactions anti-jihadistes, Les Dossiers du Ceri, 2003.
SHANDILYA Krupa, The Sacred and the secular : spirituality, aesthetics and politic in Rudyard Kipling’s Kim and Vikram Chandra’s Sacred Games, Modern Fiction Studies, Vol. 60, n° 2, 2014, pp. 345-365.
WILKINSON Steven, Froids calculs et foules déchaînées. Les émeutes intercommunautaires en Inde, Critique internationale, n°6, 2000, pp.125-142.
34 John Adams
Avec Virginie Adane

Virginie ADANE
Docteure en histoire coloniale américaine, ma thèse a porté sur la fondation de New York (dans un premier temps une colonie hollandaise, la Nouvelle-Néerlande) avec un focus sur les relations hommes-femmes et leur rôle dans la construction d’une société nouvelle. Actuellement maîtresse de conférences à l'Université de Nantes et membre du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA).
Résumé épisode 34
Présentation / Distribution
Minisérie de 7 épisode diffusée sur HBO / disponible maintenant sur Amazon Prime/OCS
Réalisateur Tom Hooper – connu pour the King’s Speech en 2011 (Oscar meilleur film / meilleur real)
Casting flamboyant : Paul Giamatti (Adams), Laura Linney (Abigail), Stephen Dillane (Jefferson), Rufus Sewell (Hamilton)
Acteurs très reconnus pour leur talent / Giamatti = régulièrement second rôle (adéquat, vu qu’Adams, a un peu été relégué face à des figures comme Washington ou Jefferson)
Meilleur à filmer l’histoire que les chats de toute évidence (Razzie pour Cats)
Production playtone / Tom hanks
Dérivé d’une biographie de 2001 par David McCullough
Prix – 13 Emmy et 4 Golden Globes (Meilleure minisérie, Giamatti, Linney)
Mini-série réputée pour sa grande qualité / minutie technique (excellente distribution, peu de maladresses de tournage, précision dans les costumes, les maquillages – on fait vieillir jusqu’aux dents des acteurs)
La série d’inscrit dans une historio sur la Révolution américaine en vogue depuis les années 2000 : un courant « founder’s chic » consacré aux grands hommes, fascine la société civile (cf. la bio d’Alexander Hamilton convertie en comédie musicale à succès par Lin-Manuel Miranda, qui dit d’ailleurs avoir tiré certaines paroles de John Adams) – en rupture avec les lectures plus politiques ancrées dans une lecture sociale/new left de la Rév. Am. (Gary Nash) ou une lecture républicaniste (Gordon Wood)
Renouveau conservateur autour de biographies des grands hommes, plutôt décrié, mais vendeur
A partir des années 1970, approche sociale plus radicale (= à gauche) de la Révolution (pas juste une indépendance) à la faveur de la nouvelle histoire sociale.
Le courant « républicaniste » se développe dans les années 1980 :
des historiens comme Gordon S. Wood ou Isaac Krammick mettent l’accent sur la place essentielle du soldat-citoyen dévoué au bien commun, à la République. Gordon Wood – école républicaniste puis tentative de synthèse entre l’approche consensuelle et new left radicale avec Radicalism of the American Revolution à qui on reproche d’avoir gommé la diversité et la complexité de la société américaine et de la période révolutionnaire
Unknown Revolution de Gary Nash sort en sorte de synthèse réponse / étrillé par la critique
Tradition plus récente et plutôt signe d’un tournant conservateur : « founders chic » / retour aux grands hommes, via des entreprises biographiques comme celles de Joseph Ellis ou qui sont allées jusqu’à inspirer Broadway (si vous n’avez jamais écouté des extraits de Hamilton, faites, Lin-Manuel Miranda avait même été invité à présenter son spectacle à la Maison Blanche par Obama)
John Adams : Le mal aimé des pères fondateurs
considéré comme antipathique dès la période de l'indépendance, trop modéré lorsqu'il devient président
Mais par ailleurs, sujet rare, étonnamment (comédies musicales 1776 ; Hamilton)
Bonne introduction à l'histoire de la fondation des Etats-Unis, car en 7 épisodes, on balaie 60 ans qui vont des contestations des Sons of Liberty à Boston jusqu'à la veille de la démocratie jacksonienne, en passant par l’Indépendance, la guerre, la diplomatie avec la France, la Constitution, la formation du premier cabinet, les réactions à la RF.
Progression des épisodes
Épisode 2 centré sur l’indépendance en elle-même, plus long que les autres
Met en relief les débats au sein du congrès continental, les dissensions entre les colonies, et la difficulté rencontrée par Adams pour convaincre ses confrères de se retourner contre la Couronne britannique, l’alliance improbable avec les représentants de Virginie, Washington et surtout Jefferson à qui est confiée la rédaction de la Déclaration d’indépendance
Intéressant car permet de voir l’hétérogénéité des colonies et de leurs points de vue
Par rapport à la guerre (Dickinson, de Pennsylvanie) – restaure la gravité de la décision
Par rapport aux intérêts économiques avec l’Angleterre (NY)
Épisode 3 & 4 centrés sur l’Europe, où Adams se rend pour négocier et essayer d’obtenir des alliances, notamment avec la France. Donc en fait toute la partie guerre/confédération/élaboration de la constitution est vue à distance
Épisode 5 – premières élections présidentielles, rôle de VP dans le premier cabinet, mise en scène de son rôle d’arbitre moins charismatique que Jefferson et Hamilton
Épisode 6 – centré sur sa présidence (impopulaire
Épisode 7
Vieillesse, repli familial, retour intellectuel sur la période de l’indépendance et son rôle politique, mort
Bémol :
Très hagiographique et linéaire
Effets de manche un peu faciles – par exemple l’orage au moment des débats sur l’indépendance
Omissions importantes, caractéristiques du récit traditionnel de cette période : on enlève les moments trop sales - mort de Hamilton en duel, Adams et Jefferson présentés avant tout comme des amis que le destin a séparés, les esclaves, sont une toile de fond à peine montrée, sauf pour les montrer éplorés à la mort de Jefferson à Monticello)
Question de l’esclavage abordée par un échange entre Franklin et Jefferson
Vision globalement très novanglaise, blanche et masculine de l'histoire. A part Abigail, aucun personnage féminin réellement significatif
Licences créatives / inexactitudes historiques
Place dans une narration qui va chercher à simplifier certains éléments pour mettre en avant un rôle ou une prise de position
Le dernier épisode se conclut sur une réflexion sur la postérité avec un échange entre Jefferson et Adams (qui ont eu la particularité de mourir le même jour, le 4 juillet 1826)
= intéressant.
Adams est aussi notable pour deux membres de sa famille :
- son fils, John Quincy, qui devient le 6e Pdt (donc c'est le premier binôme père-fils de l'histoire des Pdts US)
- son épouse - Abigail Adams reste dans la tradition comme une de ces femmes à la fois de l'ombre et d'influence majeure, notamment par ses vues sur les droits des femmes et sur l'esclavage (perceptible dans sa correspondance avec son mari) / déplore de ne pas être un homme pour être au cœur de l’action
Bibliographie sélective :
Brands, H. W., “Founders Chic: Our reverence for the Fathers has gotten out of hand”, The Atlantic, Sept. 2003 [En ligne : https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2003/09/founders-chic/302773/]
Marienstras, Elise, es mythes fondateurs de la nation américaine: Essai sur le discours idéologique aux États-Unis à l'époque de l'indépendance, 1763-1800 (Paris, Maspero, 1976)
Marienstras, Elise, Nous, le peuple : les origines du nationalisme américain (Paris, Gallimard, 1988)
McCullough, David G., John Adams. New York, Simon and Schuster, 2001(biographie qui a inspiré la mini-série)
Rossignol, Marie-Jeanne et Wulf, Naomi « Avant-Propos : La Révolution américaine : sujet brûlant ou vieille querelle ? », Transatlantica, [En ligne], 2 | 2006, mis en ligne le 11 février 2010 [https://journals.openedition.org/transatlantica/1140?lang=fr]
Van Ruymbeke, Bertrand, Histoire des Etats-Unis de 1492 à nos jours Paris, Taillandier, 2018
Vincent, Bernard, La Révolution américaine 1775-1783, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1985
Principales publications de Virginie Adane :
« The Evolution of a New Netherland Narrative: The Penelope Stout Story », Halve Maen, Vol. 82, N°3, automne 2009, p. 53-56
« Penser le genre en Nouvelle-Néerlande : enjeux historiographiques », Nuevo Mundo, Nuevos Mundos, mis en ligne le 11 juin 2013
« Trading Places: Men, Women and the Negociation of Gendered Roles in the Port of New Amsterdam», Halve Maen, Vol. 86, N°3, automne 2013, p. 51-58
« Des Provinces-Unies à la vallée de l’Hudson. Réagencement de genre en Nouvelle-Néerlande (1624-1664) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 51, printemps 2020
35 Masters of Sex
Avec Cécile Beghin

Cécile BEGHIN
agrégée d’histoire, docteur en histoire de l’EHESS (doctorat sous direction de Christiane Klapish-Zuber en Histoire médiévale). Vice présidente de Mnémosyne, professeur d’Histoire-géographie au Lycée Jean Jaurès de Montreuil.
Résumé de l'épisode 35
Présentation de la série :
pitch, date, scenario, réalisation, acteurs, tournage, montage, durée, audience…
Deux idées majeures :
-une aventure moderne,
-qui permet l’avènement d’une nouvelle conception de la sexualité et d’une Révolution sexuelle.
L’aventure d’une époque.
Un cadre historique précis et très bien posé, une reconstitution minutieuse.
Un cadre géographique : la reconstitution minutieuse de la vie dans un état du midwest des USA durant les années 50-60.
Le cadre politique : de l’Amérique d’Eisenhower à celle de Nixon. Entre guerre froide et guerre du Vietnam.
Le cadre démographique, technologique, économique et le cadre social :
-dans les années 50 (saison 1 et 2), Une Amérique conservatrice et puritaine, centrée sur les valeurs familiales, et marquée par le Mac Carthysme. Une Amérique des Trente glorieuses, en pleine croissance dans laquelle s’impose l’American Way of Life : tout le confort moderne, lié à la société de consommation, apparaît comme une norme. Les objets emblématiques se détachent : voiture, télévision,. Les découvertes technologiques se multiplient et c’est l’ère de la conquête spatiale, visible également à la télévision. Ces progrès sont nécessaires à la recherche de M&J.
Au contraire de cette modernité technique et des progrès liés à la hausse du niveau de vie et du niveau de consommation, sur le plan sexuel et amoureux, société américaine reste coincée et très normative.
-dans les années 60 : Le confort matériel des personnages persiste et même s’impose, on parle de « société d’abondance » ; Les effets du baby boom sont notables, la société US est très rajeunie, mais les fissures apparaissent et ne peuvent plus être laissées dans l’ombre ; les contestations se multiplient. Ce sont des années tendues de remise en cause.
-Dans le série, le passage des années 50 aux années 60 est marquée par la transformation de l’univers esthétique dans lequel évoluent les personnages : on passe d’un hôpital massif, cossu qui incarne la tradition et rassure les patients, à une clinique ultra moderne, décorée selon les critères des années 60.
d. Le rôle des médias dans la société américaine, à travers la télévision et la presse. La couverture médiatique de la recherche de M&J devient essentielle dès 1966. Le « couple » M&J est aussi un couple public.
Une aventure de couples
Si la série raconte la vie et le travail d’individualités fortes, il m’a semblé plus intéressant d’observer comment les rapports de couple articulent ces individualités et permettent de développer les thématiques sociales essentielles des années 60.
Les rapports de genre :
Le problème des relations hommes-femmes au sein du couple ou de la famille, et des inégalités existant entre hommes et femmes dans le monde du travail. Le problème des rôles sociaux est constamment posé Ces rapports de genre sont explorés à travers des séries d’oppositions :
-A la maison, opposition-Femmes au foyer/ Hommes au travail qui font bouillir la marmite. Le couple Libby/ Masters est emblématique. Libby devient porteuse des luttes féministes des années 60.
-à l’hôpital : hommes médecins/ femmes infirmières et secrétaires.
Le couple Masters/Johnson est emblématique des rapports de genre dans le monde du travail. Le problème des diplômes et des titres est important (Virginia/De Paul).
L’homosexualité et l’homophobie
A travers les difficultés des couples Barton Scully/Margaret et le couple Betty/Helen
Les inégalités raciales, la ségrégation et le mouvement pour les droits civiques : la thématique s’impose dès la saison 1 et se poursuit dans la saison 2. Donc elle couvre la période 57-65. La ségrégation à Saint Louis et dans l’univers médical. Les combats pour les droits civiques à travers l’expérience amoureuse de Libby.
3. Une aventure scientifique
a. Une recherche qui ne sort pas du néant : la sexologie avant M&J
Naissance de la sexologie clinique :
-La mise en place et les caractéristiques de la recherche ; Les modalités et financement de la recherche.
-Des découvertes et la naissance d’une nouvelle discipline scientifique, la sexologie clinique, qui étudie la sexualité des couples en évacuant la dimension psychologique, analytique, en s’attachant aux aspects physiologiques, pratiques, matériels de la sexualité.
-Qui aboutissent à une démarche de soin : la séxothérapie. Masters & Johnson mettent en place une méthode assez proche du coaching : le Sensate focus.
Les retombées et réactions :
-un scandale, des reproches
-un succès
-un tournant de l’histoire de la sexualité des couples et des femmes. Idée de libération de multiples tabous (le désir, l’impuissance, le plaisir féminin, les positions…), de nombreux interdits (masturbation) mais aussi de la méconnaissance sexuelle. C’est la Révolution Sexuelle des années 60. L’appropriation féministe de ces conceptions de la sexualité et de cette révolution sexuelle.
- Une recherche qui « fait école » : une nouvelle discipline apparaît, la sexologie clinique, et devient une école de pensée très importante aux USA. DE multiples cliniques sont créées, M&J forment des sexologues mais nombreux charlatans fondent leur clinique.
La sexologie clinique se diffuse et touche l’Europe. Des médecins français vont se former aux USA (Université de Vincennes, années 70).
Le sexuel (et le plaisir) entrent partout dans le champ de la santé.
Conclusion
La modernité émerge : Les 4 saisons marquent le passage d’une société à une autre. Du point de vue amoureux et sexuel et social, c’est l’entrée dans la modernité.
- Bibliographie sélective :
-Ph. Brenot, Laetitia Coryn, Une histoire du sexe, Les Arènes BD, Paris, 2017.
-E. Burdeau, « L’évidence derrière la porte », Vacarme, n°67, 2014, pp. 152-173.
-S. Chaperon, Les origines de la sexologie, 1850-1900, Paris, Audibert, 2008.
-A. Corbin, L’harmonie des plaisirs, Perrin, Paris, 2008.
-G. Duby, M .Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Tome V : Le XXè siècle (dir. F. Thébaut), Paris, Perrin, 2002.
-A. Fausto-Sterling, Corps en tous genres. La dualité des sexes à l’épreuve de la science, La Découverte, Paris, 2012.
-M. Foucault, Histoire de la sexualité, tome 1 : La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1974.
-S. Freud , Trois essais sur la sexualité , Paris, Gallimard, 1915.
-D. Gardey, I. Hasdeu, « Médicaliser les troubles de la sexualité féminine en Occident », Travail, Genre, sociétés, n°34, 2015, pp. 73-92.
-D. Gardey, « Comment écrire l’histoire des relations corps, genre, médecine au XXè siècle ? », Clio, Femmes, Genre, Histoire, 37, 2013, 143-162.
-D. Gardey, Politique du clitoris, Paris, Textuel, 2019.
-Th. Laqueur, La fabrique du sexe, folio essais, 2005 (1ère édition 1991).
-Th. Maier, Masters of Sex, New York, 2009.
-H. Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis (de 1492 à nos jours), Marseille, Agone, 2014.