épisodes mars 2021
80 Le DOMAINE avec Nadia Vargaftig
81 Mrs AMERICA avec Anaïs Le Fèvre-Berthelot
82 Un VILLAGE FRANCAIS avec Marjolaine Boutet
83 Séries TURQUES avec Béatrice Garapon
84 CAMERA CAFE avec Benjamin Derhy-Kurst
85 OUTLANDER (Amérique) avec Virginie Adane
86 SHITSEL avec Sonia Goldblum
87 NARCOS avec Perrine Quennesson
88 THIS IS US avec Pierre Langlais
80 Le Domaine
avec Nadia VARGAFTIG

Nadia VARGAFTIG
Nadia Vargaftig est maîtresse de conférences en histoire contemporaine à l’université de Reims Champagne-Ardenne depuis 2015. Sa thèse, publiée aux éditions de la Casa de Velazquez en 2016, a porté sur les politiques de propagande dans les expositions coloniales des régimes fasciste en Italie et salazariste au Portugal (Des Empires en carton. Les expositions coloniales au Portugal et en Italie, 1918-1940). Ses travaux portent depuis sur les images et les imaginaires coloniaux et post-coloniaux des anciennes puissances européennes (France, Portugal, Belgique, Grande-Bretagne), notamment à travers la photographie et la constitution des collections de musées. Elle publie une chronique historique mensuelle dans Libération.
résumé épisode 80
Le Domaine/ A Herdade, 2019
Un huis clos de 14 000 ha = à l’image d’un Portugal, en tension entre ses limites historiques métropolitaines très anciennes et son empire ultramarin jusqu’à la révolution des œillets. Cf. le « slogan » des années 1930 = Portugal nao é um pais pequeno/le Portugal n’est pas un petit pays.
14 000 ha de production céréalière diverse, vigne, huile d’olive, élevage de chevaux…
Une série adaptée d’un film : « découpage » en trois parties d’un film initialement calibré pour le cinéma (prod. Paulo Branco, réal. Tiago Guedes). Ce découpage a été, de l’aveu même du réalisateur, voulu comme très fidèle au long-métrage (qui dure presque trois heures)
Inspirations diverses revendiquées par T. Guedes, notamment le personnage de Robert Mitchum dans Celui par qui le scandale arrive + hommage aux westerns (paysages, importance des chevaux, costumes, chapeaux, bottes…) et à l’œuvre de S. Leone
Epure générale servie par une bande-son rare et dissonante
Très clairement, on est plus dans une esthétique cinématographique que véritablement sérielle : un film coupé en trois. C’est un peu une série « par accident », mais qui a sans doute permis à un public français de découvrir un film qui n’a pas été distribué en salle en France, malgré un vrai succès critique international (+ effet « confinement » car visible en mai/juin sur arte.tv).
On retrouve ces caractéristiques dans l’enchaînement des trois épisodes, avec une narration délibérément austère qui finit malheureusement par s’essouffler et un dernier épisode qui peine à tenir les promesses des deux premiers, plus réussis et plus riches historiquement. La focale finit par trop se resserrer sur le drame intime et la malédiction familiale, perdant de vue les propositions sur la trajectoire du Portugal contemporain.
Le pitch de la série est très simple, à l’image d’un casting serré et d’une intrigue qui mêle, de manière classique mais efficace, grande et petite histoire. Le domaine – propriété latifundiaire la plus grande d’Europe – apparaît ainsi à la fois comme le personnage principal de la série et comme une métaphore du Portugal des 50 dernières années.
L’histoire tourne autour de la vie d’un homme, Joao Fernandes, grand propriétaire terrien d’une région qu’on peut identifier à l’Alentejo, marqué très jeune par le suicide de son frère aîné = il n’était pas destiné à diriger le domaine, en hérite lors d’une terrible scène inaugurale : un corps pendu à un magnifique chêne (que l’on retrouve régulièrement, toujours associé à la mort d’un personnage), un père obligeant son fils à regarder le cadavre de son frère, pour lui apprendre la fragilité des choses.
Ce fils, Joao, maltraité par son père, deviendra lui-même père maltraitant avec le sien, dans une sorte de malédiction familiale.
L’image est particulièrement léchée, et met en valeur des paysages moins connus du Portugal. C’est d’ailleurs un des grands intérêts de la série : visibilité donnée à une marge du Portugal métropolitain, permettant de montrer l’épisode révolutionnaire du 25 avril 1974 depuis une périphérie rurale, loin de l’imaginaire produit par les photos et par le film de Maria de Medeiros Capitaines d’avril, qui contribue à la romantisation de la révolution des œillets.
Cela n’empêche pas de trouver des éléments intéressants pour une analyse historique et esthétique. Le resserrement même du fil narratif sur la saga familiale, le secret finalement révélé d’une naissance illégitime, une filiation décevante, apparaît en réalité comme la métaphore d’un Portugal qui se heurte aux désillusions du libéralisme économique et aux séduction de la modernité technique, portés par le projet européen.
La leçon la plus « cruelle » politiquement et historiquement, c’est que, finalement, le « domaine » (le « royaume » comme dit sa femme) de Joao a survécu à ce qui le menaçait en 1974-1975 : la réquisition, la nationalisation, la réforme agraire, n’importe quelle modification de sa structure économique pour finalement se faire manger progressivement par les banquiers de Bruxelles !
Thèmes :
La famille toxique et dysfonctionnelle, le patriarcat destructeur : on a tous les ingrédients de la tragédie grecque :
un couple malheureux, un mariage de raison plus que d’amour, Joao épousant la sœur de son vrai grand amour, fille d’un des généraux du régime salazariste qui périclite = une alliance plus qu’un mariage
Une fausse couche, au milieu des événements révolutionnaires.
Un adultère sur fond de rapports de classe d’une incroyable brutalité.
un fils illégitime qui hérite de toutes les « qualités » de son géniteur : la beauté, la force virile, l’autorité, l’excellence à cheval
un amour incestueux
le scandale final et l’exil d’Antonio, l’illégitime
Il y a comme un emboîtement d’échelles entre le destin de Joao, celui de son couple et de sa famille, de plus en plus dysfonctionnels, de son domaine et du Portugal lui-même.
Miguel, le fils légitime a toutes les tares de la dégénérescence : ne sait pas monter à cheval, est tout le temps malade, physiquement faible, a peur de son père. Puis en grandissant ne cache plus son aversion pour lui, ses carences affectives et ses addictions diverses. Au contraire Antonio, le fils illégitime est fort, intelligent, beau, ambitieux, séduit la jeune fille de la famille – sa demi-sœur, et a pour seule tare d’être le fils du régisseur du domaine et de la nounou de la fratrie (cf. droit de cuissage du maître)
Les relations de genre sont d’une violence sans nom, dans un carcan patriarcal d’un autre âge. La détestation qui s’installe au sein du couple Joao/Leonor est à la hauteur des quantités d’alcool et de cigarettes fumées par chacun des protagonistes, qui semblent ne supporter ce huis clos que grâce à ces addictions, leur fils ayant lui-même un problème de dépendance lorsqu’il devient adolescent et jeune adulte.
Lorsque Leonor fait une fausse couche, en pleine révolution des œillets (que l’on voit à travers le petit écran de la télévision du salon familial), tout ce qui importe à Joao = si le bébé était un garçon, lui permettant d’espérer transmettre le domaine à un héritier digne de ce nom (// son propre destin de cadet, son frère aîné s’étant donné la mort). On voit bien ici, de manière presque grossière – mais à vrai dire très juste – l’articulation entre patriarcat et transmission du capital. On a, comme dans de nombreuses scènes, l’impression que l’on pourrait être au XIXe siècle, et non pas dans les années 70 du XXe siècle.
Les personnages féminins sont peu nombreux et jouent des rôles aux destins tragiques : sa femme, fille de militaire lui ayant apporté un appui politique au moment opportun, mais dont la famille devient encombrante après la révolution, frustrée dans sa condition de maîtresse d’un domaine rural qu’elle semble haïr, plus heureuse d’aller à Lisbonne ou en villégiature dans les stations de la côte (Cascais).
La nounou des enfants, Rosa, qui subit les assauts sexuels de Joao et tombe enceinte de lui, lui donnant le fils qu’il n’a pas eu avec Leonor. Il en devient le parrain, comme la tradition très féodale des grands domaines l’exige
Sa fille Teresa = le seul personnage féminin indépendant, cavalière comme son père, innocente, rebelle, amoureuse…
La religion : pilier du régime salazariste et fondement de la société portugaise, le curé, qui apprécie la bonne chère, déjeune tous les dimanches à la table du maître. Première réplique : rêve de la béatification de Salazar
« Tout changer pour ne rien changer » : toutes choses égales par ailleurs, j’ai trouvé un écho fort à cette citation duGuépard de Lampedusa et son adaptation par Visconti au cinéma avec B. Lancaster, A. Delon et C. Cardinale = un grand propriétaire terrien qui voyant le vent tourner fait le choix de la raison en acceptant la défaite des Bourbons et en soutenant l’expédition garibaldienne des Mille.
Le régime de Salazar finissant : incarné par un certain nombre de personnages sinistres, des bureaucrates du ministère de l’intérieur, des militaires et le personnel de la sinistre PIDE, dont Joao visite les locaux lorsque son mécanicien communiste, Leonel, est arrêté et torturé. Autre figure, son beau-père et son beau-frère Ricardo, tous deux officiers de l’armée portugaise engagée dans les guerres africaines d’Angola, Guinée portugaise et Mozambique.
Lorsque l’action de la série commence en 1973, Salazar est mort depuis trois ans et a dû laisser le pouvoir depuis 5 ans. Marcelo Caetano lui a succédé et le Portugal de la première moitié des 70’ est embourbé dans ses guerres coloniales, endetté et confronté à une émigration massive de sa population (dont il n’est jamais question dans le film)
Communisme/anticommunisme, incarné par le personnage de Leonel, mécanicien attachant, figure ambigue car lui-même « attaché » à Joao, dans un rapport de respect mutuel un peu difficile à croire. Il lui sauve même la mise lorsque des paysans tentent de suivre le programme de réforme agraire du PC portugais. Il est vrai qu’avant, Joao était allé récupérer son mécanicien dans les locaux de la PIDE, la police politique de Salazar, bras armé du régime, ayant tout un réseau de mouchards et pratiquant la torture et la mise en prison arbitraire.
L’Europe : incarnée à partir de 1991 par l’endettement de Joao vis-à-vis des banques. C’est finalement ce système qui aura raison du domaine, puisque Joao doit se séparer d’une partie de sa propriété, à l’image du Portugal qui s’était retrouvé en 1975 séparé de son outre-mer.
Les colonies : au cœur de la première discussion entre Joao et le ministre de l’intérieur, personnellement venu demander le soutien public du propriétaire terrien sur la « question de l’outre-mer »
L’Alentejo portugais : son immensité, son ciel écrasant, le vent qui balaie les collines…On retrouve un certain nombre de « balises » qui permettent de nous repérer dans ce latifundium :
L’arbre solitaire qui a vu le suicide du grand frère et l’île minuscule au milieu du lac de la propriété, premier refuge de Joao, symbole de son isolement croissant dans sa propre famille. Il s’y recueille à la mort de son frère, lors de la fausse couche de sa femme et
Le manège et les box des chevaux, l’élevage étant à la fois hobby de gentleman farmer et secteur spéculatif : autre refuge de Joao, avec son île abandonnée. Monter à cheval dans la famille Fernandes = un signe de distinction sociale, d’appartenance à l’élite. Dans une scène entre Leonor et Miguel, celui-ci révèle à sa mère le secret de l’infidélité de Joao, et compare celui-ci à un étalon de saillie !
Les corps de ferme de la maison du maître, structurés en place carrée autour d’une statue de la Vierge : la maison, les hangars,
Parler de la bande-son : auteur ? violons ?
Les ellipses temporelles :
1946 = scène inaugurale
1973 = début de l’action, Joao a grandi et pris la tête du domaine = cœur chronologique de la série, jusqu’aux lendemains de la révolution des œillets
1991 = on voit à quelques détails la modernisation du domaine (cf. poteaux électriques massifs) et la décadence financière de Fernandes, obligé de se séparer d’une partie de son capital
Personnages :
Joao Fernandes
Sa femme Leonor (sa sœur, premier amour de Joao = Catarina)
Son fils Miguel, sa fille Teresa
Le régisseur Joaquim et sa femme Rosa (mère de son fils illégitime, Antonio)
Le mécanicien communiste Leonel : c’est en échange de sa libération que Joao, dans l’épisode I, finit par accepter de faire acte de soutien public au gouvernement de M. Caetano, le successeur de Salazar.
Dans le même épisode, lors d’une soirée qui va s’avérer la dernière de l’histoire du régime, Joao a un échange très tendu avec son beau-frère, lui-même militaire, qui supporte ses provocations sur la guerre d’Angola, et lui dit « la chance que tu as, c’est que le pays ait besoin de toi », à quoi Joao répond : « au fond nous avons tous besoin les uns des autres, tu ne crois pas ? »
En guise d’épilogue : une réflexion d’ordre pédagogique, puisque Histoire en séries s’intéresse aux applications didactiques des séries. Dans le programme de spécialité de première HGGSP sur la fin du salazarisme comparée au franquisme, on peut s’appuyer sur la jolie scène du couple, de dos, dans sa voiture décapotable, rentrant d’une soirée épouvantable avec tout le « gratin » du pouvoir salazariste (la belle-famille du personnage principal est une famille de militaires) et entend sur l’auto-radio la chanson Grândola Vila Morena du chanteur Zeca Afonso, jugée subversive et censurée par le pouvoir, coup d’envoi du renversement par les capitaines d’avril et hymne de l’opposition démocratique…à mettre en parallèle avec une scène du film de Maria de Medeiros.
Références :
Conseil bibliographique : un excellent manuel en français sur l’histoire du Portugal contemporain, par Yves Léonard, aux éditions Chandeigne, 2016, synthèse de travaux classiques et récents.
Un documentaire incroyable sur la torture par la PIDE : 48
Le « classique » de Maria de Medeiros
81 Mrs AMERICA
avec Anaïs Le Fèvre-Berthelot

Anaïs LE FEVRE-BERTHELOT
Anaïs Le Fèvre-Berthelot est maîtresse de conférences à l’université Rennes 2 où elle enseigne l’histoire et la culture des États-Unis ainsi que les études sur le genre. Ses recherches portent sur la place des femmes dans les médias audiovisuels aux États-Unis. Elle est l’autrice de plusieurs articles sur Gossip Girl ou Sex and the City par exemple et a publié en novembre 2020 aux presses Sorbonne Nouvelle, Speak Up ! un ouvrage qui analyse les voix des femmes dans les séries états-uniennes à l’écran et dans les coulisses.
résumé épisode 81
Une minisérie historique en 9 épisodes. Diffusée par FX au printemps 2020 (disponible en France sur Canal +). Une série qui se passe dans les années 1970 et se concentre sur le débat autour de la ratification de l’Equal Rights Amendment en présentant à la fois les féministes dites de la deuxième vague qui militaient pour faire ratifier cet amendement et promouvoir les droits des femmes au niveau législatif et le mouvement réactionnaire mené par Phyllis Schlafly qui s’opposait à cet amendement. La plupart des épisodes ont pour titre le prénom d’une femme (Phyllis, Gloria, Shirley, Betty, Phyllis&Fred&Brenda&Marc, Jill, Bella, Houston, Reagan).
La question du rapport entre histoire et fiction est censée être résolue d’emblée par l’avertissement : « This program is based on actual events that occured during the political struggle and debate over the Equal Rights Amendment. Some characters in the program are fictional and some scenes and dialogue are invented for creative and storyline purposes. »
Mais un avertissement qui soulève plus de questions qu’il n’en résout. D’autant plus que le directeur de FX présente la série comme ayant une valeur éducative
Une série qui surfe sur les vagues du féminisme
Une série dans l’air du temps (opportuniste ?)
L’ERA comme fil du féminisme (blanc) aux États-Unis depuis les années 1920
Une série qui fait (partiellement) le lien avec la situation contemporaine
Persistance des questions liées à l’égalité des droits, à l’écart salarial, à l’avortement, au viol, aux représentations médiatiques…
Une réaction à Trump
Figures et questions féministes
Shirley Chisholm et l’intersectionnalité
Friedan/Steinem : le cliché de la rivalité féminine
Brenda & Marc : le privé est politique
Le cas Phyllis Schlafly
Schlafly dans la série : le risque de l’empathie
Une figure méconnue en France mais centrale dans l’évolution de la droite aux USA
L’émergence de la droite chrétienne
Une série de l’ère Trump.
L’histoire d’une défaite ?
Série qui raconte l’histoire d’un échec politique
En faisant porter aux femmes la responsabilité de cet échec
Cf. tribune de Smeal et Steinem
Qui se conclut sur la poursuite du combat [analyse de la séquence finale avec les images d’archives]
Où en est l’ERA aujourd’hui ?
Bibliographie :
Chuba, Kirsten. 2020. « “Mrs. America” Creator Says FX Show Is the “Origin Story of Today’s Culture Wars” ». The Hollywood Reporter, 9 janvier 2020.https://www.hollywoodreporter.com/live-feed/mrs-america-team-unveils-origin-story-today-s-culture-wars-at-tca-1268103.
Critchlow, Donald T. 2005. Phyllis Schlafly and Grassroots Conservatism: A Woman’s Crusade. Princeton, UNITED STATES: Princeton University Press.
Felsenthal, Carol. 1981. The sweetheart of the silent majority: the biography of Phyllis Schlafly. Garden City, N.Y.: Doubleday.
Hallet, Marion. 2020. « Mrs. America: (Re)découvrir les luttes féministes par leurs adversaires ». Le genre et l’écran (blog). 15 juin 2020.http://www.genre-ecran.net/?Mrs-America.
Mansbridge, Jane J. 2015. Why We Lost the ERA. Why We Lost the ERA. University of Chicago Press.
Marjorie Julian Spruill author. 2017. Divided We Stand: The Battle over Women’s Rights and Family Values That Polarized American Politics. New York, NY: Bloomsbury.
Miller, Julie. s. d. « Mrs. America: What Phyllis Schlafly’s Daughter Thinks Cate Blanchett Got Wrong ». Vanity Fair. Consulté le 26 janvier 2021.https://www.vanityfair.com/hollywood/2020/04/mrs-america-fx-cate-blanchett.
Mort, Sébastien. 2015. « Phyllis Schlafly ou le conservatisme de terrain contre l’establishment républicain ». Etudes anglaises Vol. 68 (3): 34559.https://www.cairn.info/revue-etudes-anglaises-2015-3-page-345.htm.
Press, Joy. s. d. « Mrs. America Conjures Up the Messy History of 1970s Feminism—and Anti-Feminism ». Vanity Fair. Consulté le 26 janvier 2021a.https://www.vanityfair.com/hollywood/2020/04/mrs-american-fx-hulu-feminism-interview.
———. s. d. « When They See Us and Chernobyl Prove Truth Is Stronger than Fiction ». Vanity Fair. Consulté le 26 janvier 2021b.https://www.vanityfair.com/hollywood/2019/08/chernobyl-when-they-see-us-ava-duvernay-craig-mazin-must-endure-tv.
Saraiya, Sonia. s. d. « Mrs. America Tells the Villain’s Story ». Vanity Fair. Consulté le 26 janvier 2021.https://www.vanityfair.com/hollywood/2020/04/mrs-america-cate-blanchett-review.
« Spirit of Houston: The First National Women’s Conference: An Official Report to the President, the Congress and the People of the United States ». 1978. Washington, DC: National Commission on the Observance of International Women’s Year.
Steinem, Gloria, et Eleanor Smeal. 2020. « Why “Mrs. America” Is Bad for American Women ». Los Angeles Times, 30 juillet 2020, sect. Television.https://www.latimes.com/entertainment-arts/tv/story/2020-07-30/steinem-and-smeal-why-mrs-america-is-bad-for-american-women.
82 Un village Français
avec Marjolaine BOUTET

Marjolaine
BOUTET
Maîtresse de conférences en Histoire contemporaine à l'Université de Picardie-Jules Verne, spécialiste des séries TV et des représentations de la guerre. Elle est l'auteure de Les Séries Télé pour les Nuls (PUF, 2009), Sériescopie : guide thématique des séries télé (avec Pierre Sérisier et Joël Bassaget, Ellipses, 2011), Vampires : au-delà du mythe (Ellipses, 2011), Cold Case : la mélodie du passé (PUF, 2013), La bataille de la Somme : l'hécatombe oubliée (avec Philippe Nivet, Tallandier, 2016) et Un Village français : une histoire de l'Occupation (La Martinière, 2017). Elle chronique les séries télévisées pour le magazine Phosphore et dans l'émission Une heure en séries sur France Inter, et elle est membre des comités éditoriaux des revues TV/Series, Le Temps des Médias et Saisons.
Résumé épisode 82
- Présentation de la série, Synopsis
-Présentation des personnages
- Le rôle de Jean Pierre Azéma dans l'écriture de la série
- L'analyse de la collaboration à travers la série
- Une analyse nuancée de la résistance
- des situations nuancées : attentisme, accomodement
- La vision des Juifs et du génocide dans la série
- Une vision réaliste de la Libération ?
- "Un village français" une série pédagogique sur la Seconde Guerre mondiale en France ?
83 Séries TURQUES, un SOFTPOWER ?
avec Béatrice GARAPON

Béatrice GARAPON
Béatrice Garapon est l'auteure d'une thèse de socio-histoire sur les processus de transition démocratique dans la Turquie contemporaine, soutenue à Sciences Po Bordeaux en 2017, « Aux origines de la Turquie conservatrice. Une sociologie historique du Parti démocrate (1946-1960) ». Elle a vécu à Istanbul, au Caire et en Syrie et enseigné à Sciences Po Bordeaux, à l’Ecole Normale supérieure et à l’Institut National des Langues Orientales. Ses travaux portent sur les partis et la politique locale en Turquie, l’anthropologie du politique et la socio-histoire de la Turquie. Elle a publié dans des revues telles que Esprit, Anatoli et TV series.
Résumé épisode 83
Panorama général des séries turques dans le monde
Quelques chiffres
Zones d’exportation
Historique
Les raisons du succès à l’exportation : un soft power turc ?
L’attitude des autorités turques : de l’indifférence à l’accompagnement
Perspectives d’avenir : la Turquie, future 1e industrie culturelle mondiale ?
la concurrence de Netflix
Des contraintes qui pèsent sur le système turc de production
Bibliographie sélective :
- Erwan Desplanques, « Amour, gloire et Bosphore : Istanbullywood, l'usine à fictions », Télérama, le 28/12/2014.
- Béatrice Garapon et Barbara Villez, « Diziler, les séries télévisées turques », TV series, 13, 2018, https://doi.org/10.4000/tvseries.2303.
- Cilia Martin, « Quand les séries télévisées s’emparent de la transformation urbaine…Ville perdue? », Dipnot, 4 avril 2013.
- Julien Paris, « Succès et déboires des séries télévisées turques à l'international. Une influence remise en question. », Hérodote, 2013/1 (n° 148), p. 156-170.
- Béatrice Garapon, « Au-delà du monde enchanté des séries turques : littérature populaire et réalisme social dans « Kayıp Şehir » [La Ville perdue] », TV/Series [En ligne], 13 | 2018.
84 CAMERA CAFE
avec Benjamin Derhy-Kurst

Benjamin DERHY-KURST
Benjamin W. L. Derhy Kurtz est docteur en sociologie de la télévision et des médias, et A.T.E.R. au au Laboratoire Culture et Communication d'Avignon Université, où il est responsable pédagogique de la L1 Information-Communication. Spécialiste de la télévision et du transmédia, il s’intéresse également à la sociologie des industries créatives, à l’histoire de la communication et à la médiation culturelle. Il étudie les industries créatives et les institutions culturelles (en particulier l’industrie télévisuelle, le cinéma et, plus récemment, l’industrie musicale) à travers quatre prismes complémentaires : les personnels et le fonctionnement économique de l’industrie (incluant mesures du succès et relations sociales), la représentation des professionnels de ces industries par la presse, les pratiques de production, de narration et de diffusion (en particulier au travers du transmédia) et enfin les audiences de ces productions, à savoir les publics.
Benjamin Derhy Kurtz est l’auteur de L'industrie télévisuelle revisitée Typologie, relations sociales et notion(s) du succès ; préfacé par Bernard Miège (2020) chez L’Harmattan et co-directeur (avec Mélanie Bourdaa) de l'ouvrage The Rise of Transtexts: Challenges and Opportunities(2016), chez Routledge.
Compte twitter : https://twitter.com/BWLDerhyKurtz
Site Web : http://www.derhy.tv/
Résumé épisode 84
1. Les éléments typiques de ce type de programmes (une comédie de situation (ou sitcom) se basant sur des quiproquos et menues disputes, de format court – 3 à 8 minutes – qui commença avec Un Gars un Fille en 1999, puis a continué à travers de nombreuses autres séries, telles que Caméra Café, Kaamelott ou encore En Famille - breve description de chaque pour exemplifier)
2. Présentation de Caméra Café (2001-2004)(déclinée à travers 570 épisodes sur M6 et, comme Un Gars un Fille, filmé à travers une caméra fixe, en face des personnages ; alors que pour la précédente, cela représentait le point-de-vue de l’interlocuteur face aux personnages, cela représente chez CC la “perspective” de la machine-à-café. A l’inverse, série française qui fut adaptée au Québec, cette fois.
3. Particularité de la série (le fait que la série se passe intégralement sur le lieu de travail, sans que jamais les activités ni les bureaux des personnages ne soient montrés. travail évoqué de manière indirecte à chaque fois)
4. Caméra Café fonctionnerait-il maintenant (rumeur d'un retour pour un "épisode-évènement" ; caricatures toujours d'actualité : montre les eployés comme démotivés et paresseux ; ambigüe : pas une critique marxiste, mais joue sur les stéréotypes du français paresseux ; autres changements, le look : vêtements, la technologie)
5. De telles situations pourraient-eles encore se produire aujourd'hui ? Compiqué avec la Covid, la période épidémique, les confinements et le distanciel ; mais de nouvelles formes se créées : visioconférences, avec le même point-de-vue que la machin-à-café : face à la personne, conversations informelles en amont ou/et en aval des réunions - plutôt en amont avant que tous les participants n'arrivent, en général pressés de se déconnecter à la fin
85 OUTLANDER (Amérique)
avec Virginie Adane

Virginie ADANE
Docteure en histoire coloniale américaine, ma thèse a porté sur la fondation de New York (dans un premier temps une colonie hollandaise, la Nouvelle-Néerlande) avec un focus sur les relations hommes-femmes et leur rôle dans la construction d’une société nouvelle. Actuellement maîtresse de conférences à l'Université de Nantes et membre du Centre de Recherches en Histoire Internationale et Atlantique (CRHIA).
Résumé épisode 85
Présentation / Distribution
Série créée par Ronald D. Moore (connu auparavant pour Star Trek ou Battlestar Galactica) diffusée sur le network Starz (chaîne payante) et sur Netflix depuis 2014
Adaptée de la série de romans de Diana Gabaldon (en français : « Le chardon et le tartan ») – ici les romans 4 et 5 : Drums of Autumn et Fiery Cross parus respectivement en 1996 et 2001 (et je ne les ai pas lus)
Il s’agit donc là des saisons 4 et 5 d’Outlander, série historique (ou period drama) fantasy sur fond de voyage dans le temps. La série débute à Inverness, en 1945, lorsque la jeune Claire Beauchamp épouse Randall se retrouve transportée deux siècles en arrière par l’entremise mystique d’un site de dolmens.
Sur fond de highlands et de révolte jacobite contre le pouvoir anglais, on la voit tomber amoureuse d’un highlander et tenter d’inverser le cours de l’histoire.
Pour ce qui nous concerne, on se situe environ 20-25 ans après les événements des premières saisons, en pleine Amérique coloniale.
Distribution
Sam Heughan – Jamie Fraser
Catriona Balfe – Claire Randall/Fraser
Sophie Skelton – Brianna Randall/Fraser (leur fille)
Richard Rankin – Roger Wakefield/MacKenzie
Pour le quatuor principal (on note que Jamie et Claire ne dominent plus seuls le casting)
Élément notable de la distribution pour la saison 4 : le casting d’un nombre important d’acteurs et d’actrices venus des « Premières Nations » canadiennes – des Amérindiens, mais non syndiqués aux États-Unis donc habilités à tourner en Angleterre). Le souci d’un casting Amérindien est à souligner.
Résumé
Rappel des saisons précédentes : on avait laissé Claire et Jamie, nos amants maudits, en Ecosse du XVIIIe s., sur le champ de bataille de Culloden, Claire forcée de retourner à son XXe siècle d’origine pour être à l’abri avec l’enfant qu’elle porte.
Au cours de la saison 3, Jamie et Claire traversent foule de péripéties un peu trop compliquées à travers le temps mais aussi l’Atlantique. Cela les conduit dans les Antilles coloniales à la fin de la saison 3, puis échoués sur les rives de Géorgie.
La saison suivante s’ouvre sur une danse amérindienne préhistorique, puis sur un aigle : pas de doute, on est en Amérique et les auteurs de la série insistent sur le fait que le continent n’était pas vide.
Autant les deux premières saisons – qui seront traitées plus tard dans le podcast si j’ai bien compris – sont assez limpides dans leurs enjeux et leur narration, malgré la complexité du principe de départ, autant celles-ci ont été bcp critiquées pour la difficulté à en saisir les enjeux. Par ailleurs, la façon d’engager la question de l’Amérique coloniale (notamment ses aspects les plus controversés) a pu faire l’objet de débat.
L’intrigue américaine de Claire et Jamie commence en 1767 et les conduit jusqu’à l’orée de la guerre d’indépendance : ils s’installent en Caroline du Nord et fondent un manoir foncier, où ils doivent composer avec les populations locales (Amérindiens, propriétaires d’esclaves, colons mécontents, banditisme) ; en parallèle de cela, deux siècles et quelque plus tard, dans les années 1970, la fille de Claire et son compagnon, Roger, apprennent que des malheurs sont sur le point d’arriver à Claire et Jamie, et donc font le voyage dans le temps pour les retrouver et les prévenir – on navigue donc tjs plus ou moins entre deux périodes et on compose avec le fait qu’une partie des protagonistes connaît l’histoire américaine, ce qui est l’occasion de commettre un crime de lèse-histoire : la téléologie.
Thématiques historiques intéressantes
NB : je passe sur les passages les plus grotesques / rocambolesques
Le regard historien méta sur la construction des États-Unis et les moments fondateurs
Frank Randall et Roger Wakefield sont historiens (Randall : tenure à Harvard / Wakefield : enseigne à Cambridge ou Oxford)
Brianna étudie dans un premier temps l’histoire à Harvard
Saison 3 : en 1968, échange entre Roger et Brianna à Fort William, où Washington est décrit comme le Messie des Américains et Benedict Arnold1 leur Judas (Brianna le désigne comme un incompris de l’histoire : une façon de s’amuser de la tendance des chercheurs à vouloir réinterpréter et parfois réhabiliter des figures honnies de l’histoire ?)
Brianna fait aussi référence à Ethan Allen et sa milice des Green Mountain Boys pendant la guerre d’indépendance : à ce stade, on peut se demander ce qui préfigure les événements à venir dans les saisons suivantes, suivant le schéma adopté par le début de la série.
Plus tard, Roger Wakefield est montré comme donnant un cours d’histoire dans lequel il déconstruit les mythes fondateurs – Paul Revere, le « night rider » qui avertit l’armée continentale de l’avancée des troupes britanniques de Boston vers Lexington, n’était pas seul en 1775, mais son comparse a été perdu dans l’histoire faute d’un « bon agent ». Roger ajoute
Épisode 5 sur Paul Revere en 1775 : cours d’histoire mis en scène comme déconstruisant les mythes fondateurs (le night rider n’était pas seul + capturé / rôle de Prescott dont le nom a été perdu dans l’histoire car Revere avait un meilleur agent)
« Fictional prose can alter the reading of history »
« History can’t be trusted »
Peut d’autant moins l’être que, et la série joue avec cela, l’approche de l’histoire que peuvent connaître Claire, Roger et Brianna exclut encore dans les années 1950-60 un certain nombre d’acteurs :
Claire parle ainsi des Mohawks comme connus via des films, avec une image négative et confesse son ignorance à leur sujet et le biais de ce qu’elle en sait ; de la même manière, elle avoue n’avoir pas particulièrement entendu parler des Régulateurs, signe pour elle qu’il n’a rien dû se passer de remarquable (donc d’aussi violent que Culloden, par exemple)
Saison 4, ép. 3, Brianna offre à Roger un faux livre d’histoire
Karen Bailey, A home from home: Scottish settlers and colonial America
Toujours mise en scène du travail d’historien, mis en parallèle avec la réalité du passé
Au même moment où Brianna et Roger participent à un festival écossais / on voit les colons écossais peupler le territoire et lui donner son identité coloniale
Un peu de fan service (S04E08) : rencontre de Washington, colonel à l’époque, vétéran de la guerre de 7 ans (la « guerre contre les français »)
Les sociétés coloniales
“Outlander seems desperate to tell a story about race and colonialism and yet can’t quite get a strong grasp on the conflict.” Kayla Kumari Upadhyaya (AV Club)
La colonie de Caroline du Nord est détachée de la Caroline du Sud en 1712, colonie royale depuis 1729. La colonie avait environ 35000 habitants (colons) en 1730, pour atteindre 200000 vers 1775.
Jusqu’à 1776, plus de la moitié de la population coloniale était localisée dans les comtés occidentaux – Orange, Anson, Granvill, Rowan, Mecklenburg. Dans ces comtés, de nombreuses plaintes des colons qui déplorent une représentation inéquitable, une politique de taxation injuste et la corruption des représentants locaux. Ces plaintes s’ajoutent aux difficultés économiques que connaît la région, aux tensions avec les comtés orientaux, à l’immigration, notamment, qui alimentent une atmosphère conflictuelle dans cet arrière-pays de Caroline du Nord.
La population est composée principalement de petits fermiers indépendants et pauvres, ayant dilapidé leurs bien pour la traversée de l’Atlantique. Beaucoup s’installent sur un terrain et espèrent le préempter (le mettre en valeur et se servir des revenus pour l’acheter ensuite) – parfois il s’agit de terrains possédés par des spéculateurs absents ayant reçu les terres en récompense pour leur participation au gouvernement colonial, et n’acceptent de revendre leur parcelle qu’à un prix bien plus élevé (du fait de sa mise en valeur par les colons squatteurs). Il en résulte des tensions très fortes et un ressentiment marqué de la part de cette population pauvre à l’égard des 5% les plus riches de la colonie.
L’esclavage et l’engagisme
Dès la saison 3, les sociétés esclavagistes des Antilles sont présentées. Episode 1 saison 4, arrivée à River Run, une plantation esclavagiste vers Cape Fear.
Questionnement sur le bien-fondé de l’esclavage (S04E02), rendu crédible par le fait que Claire vient d’une autre époque – et que même pour son époque, elle fait preuve d’ouverture d’esprit (lors de ses études de médecine, elle est la seule à accepter qu’un étudiant noir, qui devient par la suite son collègue, s’assoie à côté d’elle)
Volonté d’affranchir les esclaves de River Run
Esclave accusé d’avoir attaqué un blanc, pendu par un crochet, pour montrer non seulement la violence du code noir, mais aussi la violence raciste de cette société
C’est aussi l’occasion pour cet esclave de décrire à Claire son enlèvement sur les côtes africaines - on a l’impression d’une razzia et d’un commerce rudimentaire / informel (emmenés sur une plage, dans un bateau, rien sur un port)
/ approche très white savior (et au final, la narration esclavagiste est cautionnée « pour préserver la paix sociale ») – donc on voit les difficultés à articuler le roman et la volonté d’une narration en accord avec les valeurs de 2020
De la même manière, Jocasta est présentée comme une esclavagiste, mais une « bonne » esclavagiste, une esclavagiste bienveillante, qui participe à un monde parce que « c’est comme ça »
Les esclaves ne sont rien d’autre qu’un plot device pour faire avancer Claire et Jamie, ce qui est un peu cruel, d’un sens.
La question de l’engagisme est surtout soulignée dans la saison suivante (S05E03) avec ces jumeaux Keziah et Josiah – question du rachat de leur contrat d’engagement
La traduction est inexacte : « indenture »/ « indentured servant » est traduit par esclavage ou esclave – c’est une forme de servage, en effet, mais appliqué aux populations européennes et sans les implications raciales de l’esclavage (qui sont marquées au XVIIIe s.)
Les Ecossais en Caroline du Nord
Au cours de la saison 3, on nous apprend qu’avec la fermeture de la prison d’Ardsmuir, les prisonniers sont envoyés vers les colonies en tant qu’engagés
Environ 36000 forçats irlando-écossais (dont des Highlands) sont déportés aux Amériques
Migrations écossaises en Amérique / Caroline : s’étend jusqu’à « une rivière qui s’appelle le Mississippi » - déjà connu alors
S04E03 Evocation de Woolam’s Creek, une ville d’Écossais : on précise alors l’importance de la colonisation écossaise en Caroline du Nord et dans le même épisode, le parallèle est fait avec les années 1970 (festival écossais aux États-Unis au même endroit)
Arrivée sur le site de Fraser’s Ridge, dans les Blue Ridge Mountains = on nous dit alors que bcp de highlanders se sont installés en Caroline du Nord car ça leur rappelait leur pays (commentaire également fait par l’acteur principal)
Volonté donc d’installer une continuité visuelle entre la Caroline du Nord et l’Ecosse (accentuée par le fait que c’est tourné en Ecosse)
De fait, des migrants des Highlands arrivent dès les années 1730, et s’installent notamment dans la région de Cape Fear et du Piedmont. Environ 10000 Highlanders viennent dans cette partie du monde avant la Révolution américaine.
Les relations avec les Amérindiens
S04E04 Rencontre avec des Amérindiens
Dans le livre, le chapitre s’intitule « bons sauvages » ; ici, on a une représentation qui s’efforce de sortir des stéréotypes et de proposer de la nuance, par rapport à un roman qui n’est pas très flatteur pour les Amérindiens.
L’histoire racontée dans la série est celle d’un homme devenu fou qui a violé une femme de leur village, ce qui permet une remarque sur le viol contraire aux manières Cherokee
Dans le roman, les Cherokees communiquent avec des gestes et des grognements – l’adaptation les fait parler, et par la suite, Claire apprend leur langue et leur médecine
Rituel de chamanisme cannibale étrange / remarque sur le viol contraire aux manières Cherokee
Les héros sont, quoi que l’on tente de les racheter par rapport aux valeurs de 2021, des colons qui s’installent sur des terres cherokee.
Jamie promet une coexistence pacifique et du compromis, mais il reste un colon. On voit la difficulté de la série à naviguer entre deux eaux, à représenter une réalité coloniale, mais à vouloir moraliser le discours et faire de Jamie et Claire de « bons » colons, les gentils contre des méchants colons ignorants.
Episodes suivants :
Famille qui meurt de la rougeole : le père de famille allemande pense que c’est une malediction des cherokees / Claire pense que lui l’a portée avec lui d’Allemagne (porteur sain)
Cela pose la question de la terminologie : Claire est extrêmement ouverte d’esprit, on peut se dire que c’est parce qu’elle vient du XXe siècle, mais même dans les années 1970, on ne prenait peut-être pas tant de précautions, ce qu’a reproché Diana Gabaldon, qui insiste sur le fait que Claire n’est pas si moderne (dans les romans, Claire comme Jamie désignent les Amérindiens comme des « sauvages »)
Toujours ce problème un peu white savior
Après, on peut trouver les prises de risque intéressantes pour le show, mais on notera qu’après la saison 4, on ne voit plus du tout les Amérindiens : plot device
Relations Highlanders / Amérindiens
A plusieurs moments dans la série, des parallèles sont faits, entre ce qu’ont vécu les Highlanders et ce que sont en train de vivre les Amérindiens en termes de colonisation et d’effacement de leur identité.
“Many Highlanders, evicted from their homelands so landlords could raise sheep, emigrated to the New World and identified closely with native American culture.”
Intermariages : cf. John Ross, Alexander Mc Gillivray
« Cultural links between Gaels and American Indians are not limited to historical events. As a craftsman of words, poet MacNeacail sees similarities between the two societies through their language. »
Les Mohawks
… et la Caroline du Nord ?
S04E10
Roger vendu à des Mohawks/Agniers comme prisonnier/esclave.
que viennent-ils faire en Caroline du Nord ????
Dans les livres : ils croisent Natty Bumppo
« Où vivent les Mohawks ? » demande Brianna : curieux pour une bostonienne, le territoire des Mohawks est vers Albany/Upstate NY, ce qui n’est pas très éloigné de chez elle pour une Américaine du XXe s.
… et les captures
Évocation de l’adoption pour remplacer les morts à la guerre / par la maladie (razzias ou prises de guerre)
les Amérindiens, les Iroquois, notamment, pratiquaient les guerres de capture – cela a même donné naissance à un genre du récit de captivité de la part de certain.e.s de ces captif.ve.s revenu.e.s à la liberté (ex. Deerfield Massachusetts, raconté par l’historien John Demos, Mary Rowlandson)
Le rituel d’arrivée, caractérisé par sa brutalité, est décrit dans certains récits du XVIIe siècle – cf. notamment Pierre-Esprit Radisson, capturé au XVIIe siècle par des Agniers dans la baie du Saint-Laurent
Adoption de Ian, le neveu de Jamie, qui devient Mohawk
… et la vie quotidienne
Énormes efforts, beaucoup soulignés par l’équipe technique de la série, pour montrer une version du village et des mœurs des Iroquois qui soit réaliste (costumes, maisons longues, etc.)
Intéressant quant au débat public plus contemporain sur la place des Amérindiens dans l’histoire américaine, leur présentation stéréotypée et les violences coloniales dont ils ont fait l’objet
D’ailleurs, c’est mis en scène par le biais d’un autre voyageur dans le temps « dent de loutre »/Ottertooth, qui serait venu avertir les Mohawks, sans succès
Rencontre également avec un missionnaire jésuite qui a eu un enfant avec une des Mohawks – révélateur des circulations
Les Régulateurs
Rébellion qui s’étend de 1766 à 1771 dans l’arrière-pays de Caroline du Nord, en réaction à une politique de taxation jugée trop lourde + absence de cadre gouvernemental (et donc de protection). Le principal enjeu de la saison 5, puisque Jamie est lancé à la poursuite de son parrain, Murtagh Fitzgibbons, devenu leader des Régulateurs (dans les livres, Murtagh meurt à Culloden, donc c’est totalement un moyen de renforcer l’enjeu de cette rébellion, qui peut sembler secondaire à un spectateur peu averti sur l’histoire de la Caroline du Nord)
En termes d’économie narrative, cela met le héros dans une position inverse de celle tenue jusqu’alors : il devient un allié factuel du gouverneur Tryon, contre son parrain et ami et contre ses concitoyens des Highlands.
S05E02 : violences à Hillsborough qui font penser aux violences révolutionnaires du Massachusetts
Levée d’une milice coloniale contre les régulateurs
Le point d’orgue est la bataille d’Alamance (16 mai 1771)
Ce qui est mis en avant ici : une lutte contre une politique d’imposition du pouvoir anglais, jugée trop lourde par les fermiers d’origine écossaise. Dans la série, ceux-ci s’organisent, jusqu’à mener une véritable guerre de guerilla. A la fois un miroir de Culloden, à la fois une préfiguration de la guerre d’indépendance.
Interprétation vieillote, qui suit celle qui avait été traditionnellement faite au XIXe siècle – et peut-être celle que Brianna aurait eu à l’université dans les années 1960 (cf. par exemple : Annie Sutton Cameron, Hillsborough and the Regulators (Hillsborough, N.C.: Orange County Historical Museum, 1964), 32
Depuis, on est revenu de cette interprétation, en avançant que les régulateurs ne voulaient pas forcément renverser le pouvoir anglais mais s’étaient soulevés contre des administrateurs qu’ils jugeaient corrompus. Par ailleurs, l’action violente n’a été qu’un dernier recours quand d’autres moyens non-violents (pétitions, élections) n’ont pas fonctionné + de fait, certains régulateurs ont été loyalistes lors de la guerre d’indépendance.
« The Regulators opposed corruption in state and local government rather than Crown Rule »
Idée également d’un mouvement social qui peut être rapproché de la révolte de Shays dans le Massachusetts peu après l’indépendance, ou la révolte du Whisky
1 Général de l’Armée continentale qu’il trahit en 1780, en proposant de livrer West Point aux Loyalistes, Benjamin Franklin est le premier à le comparer à Judas – sa trahison est notamment mise en scène dans la série Turn
Publications de Virginie ADANE :
« The Evolution of a New Netherland Narrative: The Penelope Stout Story », Halve Maen, Vol. 82, N°3, automne 2009, p. 53-56
« Penser le genre en Nouvelle-Néerlande : enjeux historiographiques », Nuevo Mundo, Nuevos Mundos, mis en ligne le 11 juin 2013
« Trading Places: Men, Women and the Negociation of Gendered Roles in the Port of New Amsterdam», Halve Maen,Vol. 86, N°3, automne 2013, p. 51-58
« Des Provinces-Unies à la vallée de l’Hudson. Réagencement de genre en Nouvelle-Néerlande (1624-1664) », Clio. Femmes, Genre, Histoire, 51, printemps 2020
Bibliographie sélective :
Calloway, Colin G., White People, Indians, and Highlanders: Tribal People and Colonial Encounters in Scotland and America, OUP, 2008
Demos, John, The Unredeemed Captive: A Family Story from Early America, New York, Knopf, 1994
Fenn, Elizabeth A. and Wood, Peter H., Natives and Newcomers: The Way We Lived in North Carolina Before 1770, 1983
Locke, Joseph et Wright, Ben, The American Yawp, vol. 1 (chap. 3-5), Stanford, Stanford University Press (manuel très complet et à jour sur l’historiographie)
Van Ruymbeke, Bertrand, L’Amérique avant les États-Unis, Paris, Flammarion, 2014
Sadlier, Sarah, “Prelude to the American Revolution? The War of Regulation: A Revolutionary Reaction for Reform,” The History Teacher 46/1, 2012
86 SHTISEL
avec Sonia Goldblum

Sonia GOLDBLUM
Sonia Goldblum est Maîtresse de conférences en histoire des idées allemandes à l’Université de Haute-Alsace
Spécialiste de la culture juive en Allemagne au XXème siècle. En 2011, elle a soutenu une thèse à l’Université de Strasbourg sur le dialogue amoureux et le dialogue religieux dans la correspondance de Franz Rosenzweig (publiée chez Hermann en 2014). Elle a également traduit et édité un choix de lettres issues de la correspondance de F. Rosenzweig et de Martin Buber. Elle travaille actuellement sur les débats nés après la Seconde Guerre mondiale concernant l’existence et la nature d’une identité judéo-allemande avant 1933 et sur ce qu’on appelle ici ou là, la « symbiose judéo-allemande ».
Résumé épisode 86
1 _ Présentation de la série
2 saisons de 12 épisodes, le trailer de la troisième saison est sorti en décembre.
Première saison sortie en 2013
Quelques mots sur l’équipe de réalisation et les acteurs, les prix obtenus par la série et le projet d’adaptation aux US.
Succès actuel des séries israéliennes.
2 _ Les personnages et l’intrigue
Globalement les éléments de l’intrigue concernent la vie quotidienne et la vie privée d’une famille haredi/ ultra-orthodoxe du quartier de Geula à Jérusalem
Développement sur les personnages / et sur l’intrigue
. Il s’agit clairement d’un soap. Allers-retours constants sur des sujets donnés qui maintiennent le suspens ou agacent le spectateur
3_ La vision de la communauté haredi
On avait parlé pour Unorthodox, de la dimension à la fois esthétisante et ethnographique de la vision donnée des ultra-orthodoxes. Ici on en a une vision quotidienne, qui met le spectateur dans une situation d’observation participante ou de voyeurisme
Pour rappel : La question de l’orthodoxie elle-même ne se pose pas dans le judaïsme traditionnel tel qu’il existe en Allemagne jusqu’en 1750 (en gros). La question de l’orthodoxie comme courant dans le judaïsme est intimement liée à l’entrée des Juifs dans la modernité. En ce sens, ces ultra-orthodoxes eux-mêmes sont des produits de la modernité. Naissance de l’orthodoxie au XIXe s. Invention de la tradition.
Point central / originalité du propos : Ici la communauté n’est jamais remise en cause, par aucun des personnages, les points de conflictualité relèvent de la quête personnelle de chacun des personnages, pas d’une opposition entre tradition et modernité ou d’une opposition avec d’autres groupes. Raison du succès de la série chez les membres de cette communauté en Israël.
Question des langues : entre hébreu et yiddish
4 _ Akiva Shtisel : figure emblématique des conflits montrés par la série
Question de l’art figuratif dans le judaïsme
Figure-pont /figure seuil qui a des contacts avec le monde extérieur dans le cadre de son activité artistique
Mais au-delà de cela, montre comment les passions ou les aspirations individuelles fortes sont perçues comme potentiellement dangereuses pour le groupe (c’est l’art ou l’amour ou même le fait qu’un enfant s’entiche d’un petit chien). Rapport individu / groupe est porteur de conflit, alors même qu’Akiva n’est jamais présenté comme souhaitant quitter la communauté. Il fait juste l’expérience d’exigences incompatibles, qui le mettent en porte à faux des deux côtés.
5 _ Réception de la série
Beau succès pour la série
MAIS Critique d’un certain irénisme, qui passe sous silence les fractures profondes qui traversent la société israélienne et auxquels ces communautés haredi ont part. Aucune considération politique et plus étonnant : le rapport à l’histoire n’est jamais évoqué.
Critiques de l’image de l’orthodoxie donnée par Shtisel, qui a tendance à occulter l’existence d’autres communautés qui sont également religieuses et observantes ; mais moins insulaires. La fascination pour des milieux « visiblement orthodoxes » est l’objet de critiques récurrentes (déjà le cas pour Unorthodox). Question de l’exotisme.
87 NARCOS
avec Perrine Quennesson

Perrine Quennesson
Journaliste pour les magazines Cinémateaser, Le Film français, Première, Trois Couleurs, Illimité et le site Somewhere Else, Perrine Quennesson est lacréatrice du podcast 7e Science, coproduit par Sorbonne Université et Binge Audio. Par ailleurs, elle est chroniqueuse sur Canal+ dans l'émission Le Cercle Séries, collabore avec plusieurs festivals (Lumière, Champs Elysées Film Festival, Séries Mania...) ainsi qu'une plateforme de VàD (FilmoTV) et enseigne à l'ESEC.
Résumé épisode 87
Elle présente ici la série NARCOS qui relate dans ses 2 premières saisons la vie du cartel de Medellin dirigé par Pablo Escobar et dans la saison 3 le Cartel de Cali. Elle montre comment cette série est d'abord centrée sur la vie d'un homme très connu, Escobar, alors que la saison 3 suit un inconnu au sein du Cartel de Cali. Elle montre ensuite comment cette série peut être mise en parallèle avec la série Zéro, Zéro, Zéro qui montre aussi la vie au sein de la Mafia italienne et des réseaux de drogue en Europe. Elle montre enfin que cette série permet de se plonger au sein des années 1980, elle est le reflet de cette époque.
Voici les liens principaux sur lesquels se base la réflexion Perinne Quennesson :
- https://journals.openedition.org/tvseries/4253
- https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/405
- Les écrits de François Jost sur la fiction historique et le réalisme
- Extra Pure de Roberto Saviano & la série ZeroZeroZero
88 This is us
avec Pierre LANGLAIS

Pierre LANGLAIS
Pierre Langlais est journaliste spécialiste des séries pour Télérama et chroniqueur au Cercle Séries, sur Canal+. Il est l’auteur de Créer une série, publié aux éditions Armand Colin.
Crédit Photo: Ph. Matsas/Dunod
Résumé épisode 88
This is us, créée par Dan Fogelman, 5 saisons, depuis 2016. Sur NBC aux Etats-Unis, Canal+ en France.
Je te promets, créée par Brigitte Bémol et Julien Simonet, 1 saison, depuis 2021. Sur TF1.
Eléments de réflexion :
La première fois que j’ai entendu parler de This is us, j’ai lu This is U.S. J’y ai vu une série sur l’Amérique, autant qu’un drame familial. Une série qui permettrait de raconter les 30 dernières années de l’Amérique. La plupart des séries, en s’inscrivant dans leur temps, sont historiques. En étant politiques, en discutant de l’état du monde, elles offrent un regard sur un instant, ce sont des œuvres sociologiques aujourd’hui, qui seront historiques demain. This is us, comme Mad Menou The Americans, est une série de l’histoire récente. Et elle a cette particularité d’être en plusieurs époques, et donc d’être à la fois dans l’actualité et dans l’histoire. Sa particularité, c’est qu’elle fait cela en passant par l’intime, le vécu, les points de vue, par l’emprunte que laisse une époque sur ceux qui la vivent ou l’on vécu.
C’est un genre de série historique très particulier, et fragile. Une Histoire intimiste. Moins pointilleux, plus dans le ressenti. Mais, c’est ce que Mad Men faisait merveilleusement, l’histoire, pour 99 % d’entre nous, ce sont des souvenirs, des sensations, des émotions – et ce qui passe à la télé. L’histoire c’est la victoire de 1998, l’angoisse de 2001. Nous vivons un moment historique. Et ce qui est restera, pour nous, ce ne seront pas tant les questions globales, politiques, de santé publique, économique. Ce sera le confinement, les apéros zoom, la solitude, le temps qui s’étire. Ce ne seront pas les chiffres, les morts, ce sera nous.
This is us, c’est nous. Une œuvre égocentrée mais universelle. Particulière, originale, mais où l’identification fonctionne à plein régime, parce qu’elle parle de traumatismes, de guérisons, d’amour, de deuil…
D’ailleurs, c’est la série Covid par excellence, non seulement parce qu’elle a pris à bras-le-corps la réalité du moment, concrètement, mais aussi parce qu’il y a écrit en gros, sous tout ses personnages : résilience. Je vais revenir à cette notion de captation de l’instant, qui fait de This is us une série particulièrement douée pour suivre le flux de l’Histoire.
J’en reviens à l’Histoire des Etats-Unis et à cette lecture « fausse » du titre. This is US est correct, malgré tout. Regardons les personnages, d’abord : le « big three », une obèse, Kate, un Noir, Randall, une star, Kevin. Trois figures américaines dans tout ce que le pays à de puissant et de fragile, son identité, jusque dans sa chair, son rayonnement, ses failles. Ces trois là existent bien, ils sont crédibles, on dit même « ce sont des gens comme n’importe quel Américain », « everyday folks », et pourtant, ils incarnent tellement ! La malbouffe, les troubles psychiatriques, les inégalités raciales, la domination économique (Randall) et le soft power (Kevin). Et évidemment, ils viennent d’une sorte de famille d’accueil, comme l’Amérique, et chacun ne cessera d’agrandir la famille, en adoptant à son tour ou en faisant des jumeaux. En fait, les Pearson, c’est presque une coupe démographique de l’Amérique, et évidemment Randall et sa femme Beth ont une de leurs filles, Tess, qui fera son coming out. Ah, et j’oubliais Miguel, le meilleur ami et futur époux de Rebecca, qui est latino. C’est un trait repris au soap à la britannique, le soap social.
Maintenant les parents : Jack, l’ouvrier, l’homme fort, le manuel – ce que n’est aucun de ses enfants – c’est l’Amérique solide, bâtisseuse, un fantasme made in USA, avec ses muscles, ses chemises à carreaux… presque une version 1980 du cowboy Malboro. Et vétéran du Vietnam, avec ça ! Mais en fait, on comprend qu’il est plus proche de l’autre vision du vétéran, de l’homme brisé, qui cherche en permanence à se racheter de fautes secrètes – ce qui est bien pratique pour ménager le suspense. Sous la statue, on découvre un homme fragile, qui sert les dents et garde la tête haute. Un Américain, un vrai, mais au-delà des apparences. C’est aussi une incarnation de la classe ouvrière en crise, jadis glorieuse, détruite par les années Reagan, humiliée par la bourgeoisie qu’incarne la famille de son épouse Rebecca.
Tout ce que ces deux là son, des ouvriers brisés, des artistes frustrés, déteindra sur leurs enfants : Kevin est devenue une star pour « venger » sa mère, Kate chanteuse pour la copier – sa vie professionnelle est la moins bien définie de la fratrie. Randall un homme d’affaires riche, qui se venge aussi au passage de la misère de son père biologique…
Soyons un peu plus terre à terre pendant un instant. Qu’est-ce qu’on voit de l’Histoire des Etats-Unis dans This is us ? Evidemment, la base des séries américaines, les thanksgiving et les superbowl, les références culturelles en rafale, de Y’a-t-il un pilote dans l’avion à Mohamed Ali en passant par les Bisounours.
Mais on parle aussi d’Histoire, tout court, dans la série. On voit carrément le grand-père de Jack arriver à New-York, et l’intention de la série est bien là : remonter jusque là, d’une façon ou d’une autre, directement en flashbacks, ou à travers les conséquences du passé, jusqu’aujourd’hui (voir cette scène :https://twitter.com/nbcthisisus/status/856881749812314117) La série s’ancre dans les lendemains de la guerre du Vietnam, elle y va même franchement quand on suit Jack et son frère, leur « draft », ce qui s’est passé là-bas, etc.
Mais, j’ai beau avoir fouillé ma mémoire, qui est faillible, et fait quelques recherches. La série ne s’attarde pas sur beaucoup de faits historiques. Ce n’est pas ce qui la structure. Une victoire au Superbowl vaut autant qu’une élection.
Ici, parler de Je te promets, qui est plus marquée sur les faits historiques… Mitterrand… Giscard… le Mondial 98… A moins que ce soit notre regard français qui repère ces détails plus vite et mieux.
En fait, c’est dans le présent qu’elle est la plus précise, et notamment dans sa saison 5, en cours de diffusion, qui s’attaque au Covid (développer) et à Black Lives Matter (développer)
Geste de s’approprier l’Histoire, d’écrire son histoire. Randall en quête permanente de son identité. Représente l’Amérique noire. Et l’Amérique, à nouveau, dans sa globalité.